C'était étrange. Depuis l'arrivée de Lucy à Storybrooke j'avais une nouvelle raison de vivre. De plus j'avais une nouvelle raison de me battre pour reprendre goût à la vie. J'aidais beaucoup de monde à reprendre pied mais à vrai dire il y avait aussi des parts d'ombre en moi. Parfois j'en parlais à Lucy ou à Regina mais je n'arrivais pas totalement à me confier. C'était encore trop dur et cette voix dans ma tête ne m'aidait pas à reprendre pied. J'avais compris qui elle l'était et ce que ça voulait dire. Je ne voulais pas être le nouvel enfant de Lumière. Je voulais juste pouvoir vivre tranquillement. Mais si j'étais devenu l'enfant de lumière cela voulait dire qu'un enfant des ténèbres avait vu le jour au Ponant et il fallait que je le combatte. Je ne savais pas encore dans combien de temps ni ce qu'on attendait réellement de moi. Ne te mine pas Durnik. Je te guiderai comme Belgarion avant toi.
Je soupirais. Mon dernier client venait de sortir de mon bureau. Je l'avais écouté, je l'avais conseillé. Il avait tendance à être sujet à des sautes d'humeur. La colère prenait souvent le pas sur la raison et il devenait violent. Je lui avais donné quelques exercices de relaxations à faire avant de lui dire d'aller prendre un nouveau rendez-vous avec ma secrétaire. Je me levais de mon fauteuil et je m'étirais un peu. Je devais mettre mes interrogations en suspend ou... Ou tu devrais me poser les questions franchement.Vous ne me répondrez pas.Qu'en sais-tu ? Et elle se tut. Je la sentais partir. Elle devait avoir des choses à faire autre que m'entendre me lamenter.
Je me dirigeais donc vers le bureau de Juliette afin de savoir si j'avais encore des rendez-vous ou si je la libérais. Mais je vis que mon patient était encore là et que ma réceptionniste semblait tendue. Je fronçais les sourcils. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Je toussotais pour signifier que j'étais là et le patient ne tarda pas à partir. Une fois que j'entendis la porte se fermait je reportais mon attention sur Juliette.
« Juliette, tout va bien ? »
Je m'approchais du bureau et je vis ses doigts trembler ce qui me fit froncer encore plus les sourcils. Je ne voulais pas qu'elle se sente mal.
« Vous voulez que l'on discute un peu ? »
Je m'asseyais sur le coin de son bureau et je la regardais avec bienveillance.
« Je ne suis peut être que votre employeur ici à Storybrooke mais je refuse que ma secrétaire soit mal à l'aise dans son travail. »
C'était une certitude. Je ne changerais pas de secrétaire mais je pouvais toujours refusé des patients au besoin. Je l'enverrais chez Archie au pire.
J'avais entendu ce que mon patient avait dit et j'avais vu le geste qu'il avait tenté de faire envers ma secrétaire. Les personnes comme cela me dégoûtaient et je ne pouvais pas accepter qu'on puisse terroriser une femme ainsi. Je ne pouvais pas laisser passer cela. Le ciel grondait ce qui ne me rassurait en rien. Juliette semblait totalement désemparée. La peur se lisait sur son visage et ça me brisait le cœur. Du coup, je congédiais rapidement le patient et je demandais sans attendre à Juliette ce qui n'allait pas. Elle avait du mal à parler et ça me brisait le cœur.
« Vous le connaissez ? »
Je n'aimais déjà pas son comportement mais ce que j'avais vu m'avait conforté dans l'idée que cet homme était une ordure. Je pourrais faire en sorte qu'il ne puisse plus s'attaquer à Juliette mais pour le moment je devais en savoir plus. Je ne pouvais pas le condamner sans connaître les faits. Je la vis sursauter quand je m'asseyais sur le bord de son bureau. Je fronçais un peu les sourcils. Bon visiblement il y avait quand même un gros syndrome post-traumatique entre eux...
« Vous savez Juliette je ne veux pas être juste votre patron. Si vous avez un soucis vous pouvez venir me trouver.
J'étais bien entendu là pour écouter mes patients mais je pouvais également écouter mes amis et Juliette était une de mes toutes nouvelles amies. En prime, il ne fallait pas qu'elle se stresse. Son mari m'avait bien fait comprendre que l'état de sa femme méritait des conditions de travail sereines. J'avais compris que Juliette était enceinte et être stressée ainsi ce n'était pas bien pour elle. Je prenais donc une décision radicale.
« Trouvez moi le numéro de téléphone de Monsieur Clyde. Je vais décommander ses prochains rendez-vous moi même. Je vais l'envoyer chez un confrère qui pourra mieux l'aider que moi. »
Je lui souriais puis je m'approchais de la machine à café pour m'en faire un. Je lançais également de l'eau à chauffer pour ma secrétaire. Je ne pouvais pas la forcer à me parler. Déjà je pensais que si quelqu'un avait quelque chose à dire il fallait qu'il se décide de lui même... Ensuite et ce point est quand même très important... Son mari est une armoire à glace et il me fait un peu peur donc je ne voulais surtout pas la contrarier. Une fois le café coulé et le thé prêt, je tendais la tasse de thé à la jolie brune puis je lui adressais un nouveau sourire.
J'avais observé la scène entre l'aigle et ma secrétaire. Je voyais bien que l'animal n'était pas dans son état normal. Il était vraiment en colère et il semblait inquiet pour sa maîtresse. Moi je n'étais pas plus surpris que cela. J'avais vu des choses étranges dans ma vie. Je souriais en voyant l'affection et la dévotion du volatile. Par contre je tiquais un peu quand elle lui demandait de ne pas tuer mon client. Bon okay il avait l'air d'un parfait goujat mais de là à le tuer... Elle me dit qu'il n'était pas nécessaire d'envoyer mon client chez quelqu'un d'autre. Pourtant ça l'était.
« Je sais. Mais je le fais quand même. »
Je lui souriais. Je ne faisais pas par charité mais simplement parce que je pensais que c'était juste. De plus, il était hors de question qu'un homme terrorise une femme. Je ne pouvais pas l'accepter. Du coup, je prenais le numéro de téléphone que me tendait Juliette et je me saisissais du téléphone de ma secrétaire. Je passais le coup de fil qui la rassurerait et même si mon patient n'était pas content ça ne changeait rien pour moi. Je ne le voulais plus en client.
« Si la présence de votre aigle peut vous rassurer il peut rester... Ma femme... Elle aussi elle parlait aux oiseaux donc si ça peut vous aider qu'il vienne. »
Je souriais un peu tristement. Penser à Polgara me f aisait toujours mal au cœur mais un peu moins chaque jour. J'arrivais à passer par-dessus... Etait ce grâce à la jeune femme rousse qui était entrée dans ma vie ? Je ne saurais l'affirmer. Elle m'expliqua brièvement qui était cet homme pour elle et mon regard se fit plus dur à mesure que j'imaginais ce qu'il lui avait fait subir.
« Je vois. Les blessures de ce type ne se referment jamais vraiment... Mais ça ne veut pas dire qu'on doive forcément se retrouver face à ses anciens démons. »
Parfois la confrontation n'était pas une bonne chose et vu comment elle semblait avoir peur ce n'était clairement pas la solution.
« Ce qu'il se passe au bureau reste au bureau. Votre époux n'apprendra rien de ma bouche. »
De toutes les façons même si Romain Whitechappel me faisait peur, je savais que les montagnes étaient souvent des agneaux. Le rouquin n'échappait pas à cette règle d'après moi. Du coup, je ne voyais pas l'intérêt de lui parler de cet incident. Si Juliette pensait pouvoir s'en occuper seule, je la croyais. Cependant, parfois il fallait savoir aussi accepter une aide extérieure et je me risquais à lui faire une proposition qui me semblait assez juste.
« Souhaitez-vous discuter un peu ? En ami pas en tant que psychologue... Il me semble que nous n'avons aucun rendez-vous après celui-ci non ? »
Parfois avant de dire à quelqu'un qu'il lui fallait une thérapie, il fallait prendre des chemins détournés. En l'occurrence je ne pensais pas que Juliette accepterait que je lui dise qu'elle avait besoin d'une thérapie alors que c'était clairement le cas. Si elle ne pouvait parler à son mari de son expérience passée, elle pourrait peut être m'en parler. Parfois il était plus facile de se confier à un inconnu. Je lui souriais puis je lui faisais signe de me suivre dans mon bureau. Je m'asseyais dans mon fauteuil comme à mon habitude et je lui montrais le canapé. Maintenant c'était à elle de voir si elle voulait avancer sur cette histoire ou non.
Je souriais. Elle ressemblait à Polgara. C'était peut être pour cela que je l'avais choisi comme secrétaire. Je savais qu'elle avait de la force en elle. Quand elle m'expliqua pour son aigle, j'acquiesçais. La décision lui appartenait de toutes les façons.
« Vous lui ressemblez beaucoup... A ma femme. Au niveau du caractère. La difficulté de ne vous fait pas peur. »
Je l'avais tout de suite compris quand je l'avais engagé. Elle n'était pas de ce monde, elle ne connaissait rien au médical et pourtant elle avait réussi à s'adapter avec facilité. C'était ce qui me faisait penser que je pouvais l'aider. Je ne voudrais pas la façonner. Je voudrais juste l'aider à passer le cap de la peur et la surprotéger n'était pas en mon sens la bonne solution.
« En tout cas vous savez que si vous voulez qu'il vienne même quelques heures il est le bienvenu chez moi. »
Nous pouvions tous avoir besoin d'un peut de soutient par moment. Elle avait les cartes en main c'était le principal de toutes les façons. Juliette me suivit et s'installa dans le canapé. Elle n'était pas à l'aise ça se voyait. L'inconnu faisait souvent peur.
« Comme vous le souhaitez. Je suis uniquement là pour vous écouter. »
C'était la première étape. Après nous verrons la suite. Cependant la jeune femme craignait que mon regard sur elle ne change. Elle semblait oublier que ma meilleure amie était la méchante reine...
« Le jugement n'est pas dans mes habitudes. Nous avons tous notre histoire et nous avons tous besoin d'aide à un moment ou un autre. »
Je lui souriais avant de porter ma tasse de café à mes lèvres. La première séance était toujours la plus difficile. Il fallait arriver à déterminer ce que l'on voulait dire ou non. Il fallait aussi arriver à dire la première phrase. Souvent pendant la première séance mes patients restaient silencieux. Ils jouaient avec leurs mains ou leurs cheveux et fuyaient presque tous mon regard. Je restais assis à les observer un sourire aux lèvres. Juliette travaillait pour moi. Elle avait la chance de savoir comment je fonctionnais mais elle avait quand même peur ce qui était normal. Il était souvent plus facile de mettre à nu son corps que de mettre à nu son âme.
Polgara était une femme exceptionnelle. Elle était sûrement la femme la plus exceptionnelle que je connaissais. Malgré sa disparition elle avait encore une grande place dans mon cœur. Je ne pouvais pas oublier sa présence et encore moins depuis que j'avais retrouvé la mémoire. Je remettais même parfois mon alliance. D'ailleurs aujourd'hui je l'avais mise. C'était étrange. Je me sentais plus en connexion avec Pol quand je la portais ce qui était foncièrement ridicule.
« Elle l'était. Elle avait beaucoup de sagesse et de gentillesse en elle mais surtout elle arrivait à cacher ses blessures comme une certaine personne que je connais. »
Je soutenais un instant son regard avant qu'on aille enfin dans mon cabinet. Je la laissais prendre le temps qu'il lui fallait pour me parler. Ce n'était pas évident comme situation. J'avais déjà vu des femmes bafouées mais là je connaissais Juliette et en plus d'être mon employée je la considérai comme mon amie. Je croisais mes mains et je la regardais alors qu'elle m'expliquait le pourquoi du comment. Je comprenais bien sur ce qu'elle sous entendait même si c'était difficile. Quand elle arrêta de parler je pris quelques secondes pour réfléchir. Je devais être « dur » dans mes paroles et poser les bons mots. Elle avait parlé oui mais elle n'avait pas dit les véritables mots.
« Je ne vais sûrement pas diplomate mais tu n'as pas dit les mots... »
Je lui souriais un peu désolé mais il fallait qu'elle le dise. C'était aussi comme cela qu'on faisait un pas dans l'acceptation de son passé.
« Dans cette maison close, vous avez été violée et torturée n'est-ce pas ? »
Elle n'avait pas besoin de parler. Elle pouvait juste acquiescer mais juste le fait qu'elle approuve me montrerait qu'elle avait réellement envie d'aller de l'avant sur cette histoire. Je ne comprenais pas pourquoi des hommes se sentaient obligés de faire cela pour se sentir vivant. J'étais en colère au fond de moi. Mais je devais me montrer tel un roc pour qu'elle puisse se reposer sur moi si elle souhaitait continuer la thérapie.
« Il y a un exercice que vous pouvez faire je vais vous l'apprendre si vous voulez. »
Je lui montrais mes mains et je posais mon index gauche sur le dos de la main droite alors que mon pouce lui se positionnait dans le creux de ma peau. Je prenais une grande inspiration.
« Fermez les yeux et pensez à votre souvenir le plus beau... »
C'était un moyen d'arriver à détourner son esprit dans une situation compliquée et nous permettre ainsi de reprendre le dessus. Ça ne marchait pas à tous les coups mais c'était tout de même très efficace.
« Là vous sentez mes doigts sur votre poignet, placez y les vôtres et appuyez fortement dessus. »
Je m'étais approché d'elle et j'avais posé mes doigts sur son poignet avant de l'aider à positionner ses propres doigts. Je souriais puis je retournais m'asseoir dans mon fauteuil.
« Racontez moi votre souvenir. »
C'était une autre étape. Il fallait qu'elle me raconte pour que ça puisse vraiment l'aider.
« Maintenant à chaque fois que vous vous sentirez en danger appuyez à cet endroit et vous sentirez quelque chose d'apaisant se dégager et vous aurez le contrôle de votre corps et de votre esprit. Plus jamais vous ne perdrez vos moyens. »
Du moins je l'espérais. En tout cas elle pouvait continuer à me parler. Parfois parler à un inconnu c'était le plus simple.