Lui dévoiler ce que j’étais n’avait rien de simple. Je ne l’avais jamais dit à personne et pourtant, j’allais le faire maintenant. J’avais tout abandonné pour mon épouse et finalement, j’avais recommencé avec sa mort. Une soif de vengeance et je devais bien avouer que j’étais le meilleur dans ce que je faisais. J’étais le plus grand tueur à gages du monde. J’étais celui qui décidait de la vie ou de la mort de certaines personnes. J’échangeais mon expérience contre de l’argent. Beaucoup d’argent. J’avais le pouvoir et mon surnom ne venait pas de nulle part. L’ange de la mort ou la faucheuse, cela dépendait de la région du monde où je me trouvais. Pour l’instant, mon statut avait failli coûter la vie de Crystal ainsi que la mienne. Je m’en voulais profondément pour ça. Je voulais tellement qu’elle soit heureuse. J’avais même osé lui demander de vivre près de moi. Vivre près de moi, c’était de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence.

Je pensais à toutes ces choses alors que j’étais dans la cuisine. Je n’avais pas trop répondu lorsqu’elle m’avait demandé où étaient les produits ménagers. Je ne le savais pas trop en fait. J’étais tellement peu ici, je ne savais même pas le contenu de mes propres armoires. Je tentais de me concentrer sur l’eau qui bouillait, mais j’avais mal. J’avais très mal en fait et je sentais la fatigue me prendre. J’avais perdu trop de sang durant toute cette histoire. J’allais devoir me reposer durant quelques jours c’était plus que clair. J’entendais Crystal me parler et je relevais la tête pour la regarder. La boîte d’antidouleur était à côté de moi et je m’enfilais un cachet rapidement sous son regard. Hors de question de continuer à avoir mal. Je ne serais pas en mesure de réagir correctement pour la protéger.

Elle se blottissait ensuite contre moi et je posais ma main derrière sa nuque. Mes lèvres allaient au niveau de son front où je posais un baiser très calmement. Je fermais les yeux en l’écoutant me parler. Elle m’aimait et je la serrais davantage contre mon torse. Je l’aimais tellement moi aussi. Elle était le centre de mon univers désormais. Je ne cachais pas mon avis de la voir démissionner de son boulot avec Harry. Chaque chose en son temps par contre.

- Je t’aime aussi.

La première fois que je le disais à une autre et je le pensais profondément. Je la laissais s’installer à la vieille table alors que je nous préparais deux cafés solubles. Un truc ignoble, mais qui allait me donner un peu de courage. Pas d’alcool dans cette maison. J’avais toujours évité d’en laisser, car je devais me garder alerte.

- Je te dois beaucoup d’explications. Je t’en dois tellement que je ne sais même pas par où commencer ma chérie.

Je tournais lentement ma tasse sur la table en fixant cette dernière. J’étais incapable de regarder Crystal dans les yeux à cet instant.
 

J’étais amoureux de cette femme. Dans le néant de mes émotions, j’avais trouvé le moyen de tomber complètement sous son charme. J’aurais tellement aimé qu’il en soit autrement et pourtant … J’avais été incapable de développer seulement une attirance sexuelle. Ce n’était pas les femmes qui avaient manqué dans ma vie pourtant. J’avais eu un grand nombre d’amantes après la mort de ma femme. C’était un moyen comme un autre de me déconnecter de la réalité et de profiter des plaisirs de la chair sans me soucier de demain. J’étais donc plus que sincère alors que je divulguais mon amour à la rousse. Lui dire «je t’aime» pouvait sembler banal, mais pas pour un homme comme moi. Je n’étais pas le genre d’homme a afficher mes émotions aussi facilement. J’avais mon café dans les mains et j’étais pratiquement incapable de la regarder dans les yeux. Je ne savais pas par quoi commencer pour mes explications. Je ne savais pas ce que je devais dire et ne pas dire. Je ne voulais pas qu’elle prenne peur et qu’elle parte… Crystal brisait donc la glace en me posant des questions. Elle tentait de me donner des pistes. Je prenais une gorgée de café et je laissais le silence envahir cette cuisine usée où nous étions désormais dans le Bronx.

- Je suis tueur à gages… Je suis le meilleur tueur à gages au monde Crystal. On me surnomme l’ange de la mort. J’ai tué plus de gens que tu ne pourrais l’imaginer en fait. C’est devenu quelque chose de banal dans un certain sens. J’ai travaillé pour la mafia, les triades, les Yakuzas et de nombreux gouvernements. Toujours dans l’ombre depuis tellement d’années si tu savais. Ce soir … Cette nuit… Ce n’était pas la première fois que l’on cherchait à me tuer. La dernière fois remonte à il y a cinq ans environ. Le type avait fini dans un état pire que celui de cette nuit.

Je reprenais une gorgée de café avant de continuer. Je lui parlais avec une grande franchise. J’étais transparent.

- Je ne voulais pas tomber amoureux de toi, car je savais les risques que cela comportait. Le mal est donc fait dans ce sens et je ne peux pas taire les sentiments que j’ai pour toi malheureusement. Sache que je ne me souviens plus vraiment depuis quand je tue des gens. Ça fait tellement d’années … J’ai été marié même. J’avais diminué mes activités au maximum pour ma femme, mais elle est malheureusement morte. Je l’ai vu mourir et ensuite, je me suis replongé dans le travail tête baissée jusqu’à ce que tu arrives… Alors pour répondre à ta question … Oui, Harry me paye très cher pour régler ses petits soucis et c’est pour ça qu’il a accepté que tu restes avec moi.

Ce n’était pas un mensonge. Harry était peut-être un toxicomane et un trou de cul, mais il était loin d’être con et stupide. Il savait que mon silence s’achetait et si je décidais de me taper sa gérante alors il allait devoir l’accepter tout simplement. Je tendais la main vers le comptoir et je prenais mon paquet de cigarettes. Je m’allumais une clope en la regardant dans les yeux. Un cendrier propre en verre étant déjà sur la table.
 

Je venais de tout lui dire. Du moins, le plus important. Je me sentais merdique, mais elle avait le droit de savoir surtout si elle voulait continuer avec moi. Elle n’avait pas le choix, car après cette vérité, je devrais la tuer si elle ouvrait la bouche ou si elle partait. Je n’aurais pas la force de le faire. Autant retirer ma propre vie au passage pour lui laisser la sienne. Mon amour allait jusque là pour ma danseuse. Ma belle danseuse au coeur d’or que j’aimais et qui avait le sourire si facile comparativement à moi. Elle restait silencieuse et elle posait sa tasse. Je me passais une main sur la nuque en fixant ma propre tasse.

La langue de Crystal se déliait finalement. La confusion la plus complète et je pouvais le comprendre. Je me contentais de hocher la tête alors qu’elle me parlait et je fixais ma tasse en la tournant lentement sur la table. Je ne savais pas quoi lui répondre.

- Ma femme est morte à cause d’un gang … Rien à voir avec mon travail. Un mauvais hasard. Nous étions en voyage à San Francisco et j’étais sorti lui acheter un foulard en soie, car elle adorait les collectionner. Lorsque je suis rentré à l’hôtel … Elle avait été sauvagement violée et tuée… J’ai déraillé complètement ce jour-là. Ces types ignoraient qui j’étais Crystal … J’ai acheté une maison dans cette ville et je les ai traqués jusqu’au dernier. Ma réputation a augmenté à ce moment-là et j’ai affiné mes techniques avec les meilleurs. Je … J’ai perdu une partie de mon humanité mon amour si on peut dire ça comme ça …

Elle me tendait la main et je la prenais avec douceur. Je la regardais dans les yeux avant de continuer à lui parler.

- J’ai toujours fait ça … Je … Je ne peux même pas te dire quand ça a commencé. C’est un peu comme une affaire de famille. Je suis né en Alaska. Le noir et le froid … Mon père m’a appris à utiliser des armes et finalement … J’ai pris sa relève … Nous devrions partir pour l’Alaska justement pour que les choses se calment. Quitter cette ville durant un moment avant de revenir. Aller dans les montagnes enneigées et faire revivre cette maison qui était la mienne… Harry ne dira rien du moment que je fais mon boulot …

Je posais un baiser sur sa main avec une immense douceur et je continuais de la regarder dans les yeux. J’étais fou d’elle. Le second amour que je rencontrais dans ma vie. Seigneur qu’elle me rendait heureux. Seigneur qu’elle était mon monde cette belle femme.

Je pouvais comprendre les craintes de Crystal. C’était justifié. L’idée de partir dans un autre état aussi isolé et loin pouvait paraître extrême, mais ce n’était pas le cas à mes yeux. Je voulais qu’elle soit en sécurité et plus je ferais profil bas longtemps et plus nous serions en sécurité. Je sentais ses bras se placer autour de ma taille et je fermais les yeux à son contact. Sa chaleur me faisait un bien fou. Elle avait peut-être raison dans un certain sens. Elle avait peut-être raison de me dire que nous devions rester dans cette maison. C’était la première fois que quelqu’un mettait en doute mes paroles et je ne lui en voulais pas du tout. Je gardais les yeux fermés et j’inspirais profondément en l’écoutant. Ma muse… Ma déesse.

- Si les choses se corsent ou si je sens que la menace est plus présente, nous irons là-bas. Je comprends que tu n’as pas envie de te déraciner, mais c’est une question de sécurité. Je ne pourrai pas tolérer qu’il t’arrive le moindre malheur Crystal … J’en deviendrais complètement fou alors que je le suis déjà.

Je sentais l’effet des narcotiques sur mon système. Je me sentais aux ralenties et je devais poser une main sur une surface pour me tenir. J’avais vachement mal, malgré tout dans cette position. Je posais une main dans le dos de ma femme et je la regardais dans les yeux.

- Je crois que les médicaments font effet je … J’ai un peu la tête qui tourne. Je vais aller dans la chambre, je crois. Tu veux bien m’aider ? Nous ferons des courses demain dans le quartier. Je ne veux pas que tu te fasses voir. Je ne sais pas si quelqu’un nous observait au loin. Ton visage doit rester caché au maximum.

Je posais un baiser sur le dessus de sa tête avant de marcher lentement pour me rendre vers l’escalier. Je prenais une pause sur la première marche. L’idée d’avoir pris une maison avec une chambre au second étage. Je poussais un soupir avant de monter très lentement. C’était plus laborieux que je ne l’aurais cru et je grimaçais de douleur.

- Rappelle-moi de ne plus acheter de maison à étages ma belle … Putain de merde ça tire …

Je rigolais jaune à ce que je venais de dire. Il n'y avait rien de drôle à avoir une blessure comme celle que j'avais en cet instant. Je poussais un profond soupir avant de sentir mon pansement se souiller sous mes mouvements. Fait chier.

- Il faut changer le pansement avant que je dorme. Tu te sens en mesure de le faire ?