Lexie Roseburry, un nom bien connu depuis la levée de la malédiction. Certains avaient plus de mal que d'autres à retrouver leur véritable identité. Certains la dissimulaient, d'autres tentaient de la ré apprivoiser, de se réapproprier une vie qu'on leur avait arrachée, sans pour autant leur en donner une bien pire. Les dommages collatéraux. Ceux qui avaient été pris dans la malédiction sans attache importante avec Regina, qu'elle n'avait pas façonné forcément pour leur arracher leur bonheur et qui avait joué leur nouvelle identité sur une sorte de pile ou face cosmique. Lexie semblait faire partie de cette tranche là. Ces gens qui n'avaient pas spécialement retrouvé quelque-chose avec la levée de la malédiction, sinon les misères de leur existence passée, en plus des misères de la vie actuelle. Aussi, il n'était pas rare qu'elle fuit. Fuir avait toujours été une tactique efficace. Une que j'avais passé toute ma jeunesse à exercer avec ardeur. J'avais fui tellement souvent, tellement loin. Lexie était encore une amatrice à ce jeu-là, mais je comprenais le besoin. Je comprenais l'acte. Et je savais, souvent mieux que personne, où chercher. Parce que j'étais douée pour retrouver les gens, mais parce qu'il y a longtemps, j'avais été cette fille là.

Je la trouvais finalement à peine au bout de quelques heures, pas même les plus critiques, allongée sur une tombe, profondément endormie. Doucement, sans faire de bruit, je m'installais à côté d'elle, assise par terre, jambes tendues, faisant face à la pierre et à la fille endormie, mais pas directement sur la tombe, non, à côté. Parce que la personne qui était là-dessous appartenait à son histoire, son passé. Elle avait le droit, sans doute, de prendre ainsi ses aises sur le dernier lit du défunt, pas moi. Cela ne me dérangeait pas. J'avais dormi dans des endroits pires que ça, alors m'asseoir sur l'herbe d'un cimetière, c'était un véritable confort.

Après un petit moment à lui permettre encore l'évasion dans l'inconscience, je touchais finalement son épaule du bout des doigts, juste assez pour mettre ses sens en éveil d'une présence inconnue et pour qu'elle émerge du sommeil juste par sécurité, pas brutalement, poussée par une présence trop abusive. Je n'avais pas forcément envie de m'immiscer dans ce qu'elle était venue faire ici, ni envie particulièrement de lui interdire ce genre d'évasion, mais des gens étaient responsables d'elle et s'inquiétaient pour elle. Elle avait une chance que je n'avais jamais eue. Elle devait aussi prendre conscience de cela et agir en conséquence. Elle devait cessée de fuir et agir en adulte. Comme tu le fais si brillamment, Swan, n'est-ce pas ? Mon esprit avait toujours cette fâcheuse tendance à me mettre devant mes propres contradictions...

« Lexie. Il est l'heure de se réveiller, maintenant. »

Elle s'étonna que je sois venue la chercher et cela me brisait le cœur, d'une certaine façon. Parce que je connaissais le sentiment. Cette sensation de ne compter pour personne et de ne jamais s'attendre à nous voir être cherché. A chacune de mes fugues, il avait fallu plus de vingt-quatre heures pour qu'on remarque même mon absence. Une fois, une famille avait même mis une semaine avant de réaliser qu'il manquait quelqu'un dans la maison et un jour supplémentaire pour se souvenir que j'étais chez eux.

« Tu comptes pour assez de gens dans cette ville pour qu'ils s'inquiètent de l'éventualité que non », soufflais-je, alors qu'elle promettait qu'elle avait l'intention de rentrer cette fois-ci. « Et au vu de tes antécédents, j'ai préféré ne pas attendre les vingt-quatre heures réglementaires pour te chercher. » C'était hors la loi, oui, mais nécessaire pour une fille comme elle. Elle avait besoin de savoir qu'on tenait à elle et en vingt-quatre heures, il pouvait s'en passer des choses. J'avais été à sa place. Je savais exactement combien de kilomètres on pouvait parcourir en vingt-quatre heures, même sans le moindre argent, quand on voulait vraiment fuir très loin.

Je me levais une fois qu'elle fut debout et époussetait mon pantalon, alors qu'elle me demandait comment j'avais su qu'elle se trouvait ici. Je lui souris doucement, avec compassion. « Tu cherchais quelqu'un. Je ne sais pas qui, mais c'était inscrit dans tes yeux. Il y avait quelqu'un qui t'apportait l'espoir et tu avais besoin de retrouver cette personne. Si elle avait été en ville, tu aurais fini par la retrouver, mais aujourd'hui, les gens qui t'ont croisé t'ont décrit comme plus triste que jamais. Je me suis dit que le cimetière était un bon endroit pour commencer mes recherches. Quand j'ai pensé avoir retrouvé la trace de mes parents et qu'ils étaient peut-être morts, je me suis précipitée pour fuir l'endroit où je me trouvais et aller sur la tombe. J'avais besoin de voir si c'était vrai. Je ne connaissais pas leur identité, mais je me suis dit qu'une fois sur leur tombe, je saurais. Je me suis dit qu'un truc au fond de moi me dirait s'ils avaient réellement été mes parents ou pas... C'était évident qu'à un moment donné, tu viendrais ici. Je me demandais juste si tu viendrais pour vérifier une hypothèse ou en sachant qui se trouverait là... »

J'avais passé des années à être pragmatique. Des années durant lesquelles, le fait qu'une fille parle à une tombe m'aurait semblé stupide. Une simple façon de se rassurer sur la réalité froide et implacable de la vie... Mais je vivais désormais dans un monde où les sorciers existaient et où j'étais la fille d'une reine et d'un roi, une Sauveuse et une femme avec des pouvoirs, moi-même. Qui sait si les morts ne pouvaient pas nous entendre, alors ? Je n'en savais rien. Je me voyais mal, désormais, lui dire que c'était idiot, alors.

Je l'écoutais, comprenant. Mon propre père venait tout juste de mourir quand la malédiction avait été lancée. Du moins, ma mère avait cru entendre son dernier souffle. Elle était convaincue qu'il était mort au moment où la brume l'avait englouti et transformé en Mary-Margaret. Et pourtant, mon père était là. Personne n'était sans connaître cette histoire. Elle avait rapidement fait le tour de la ville. La Sauveuse qui avait retrouvé ses deux parents, alors que la Méchante Reine avait cru en tuer un juste avant que sa malédiction ne les prenne tous les trois. Je pouvais difficilement blâmer quelqu'un d'avoir espéré le même miracle. Encore moins une enfant orpheline, qui avait trouvé en ladite personne un véritable foyer.

Je soupirais, fermant les yeux une seconde, avant de poser sur elle mes yeux les plus compréhensifs et compatissants. « Je suis désolée... », dis-je simplement. Quels mots pourraient réellement soulager la blessure ? Aucun de ceux que mes propres parents m'avaient accordés, pas même leurs plus profond mots d'amours, ne pouvaient soigner toutes les blessures de mon cœur et le sentiment d'abandon qui trônait encore fièrement dans toutes les fissures de mon palpitant. « Je comprends. Mais tu aurais pu m'en parler avant. Je t'aurais aidé à la trouver. » C'était aussi dérisoire de croire qu'elle aurait pu le faire que le reste. Elle avait eu besoin de le faire seule. J'avais eu ce même besoin, jusqu'à ce que je sois aux pieds du mur. Chercher ma famille par moi-même, pour me convaincre que s'ils l'avaient réellement voulu, eux, ils auraient pu le faire, quand moi, l'enfant qui n'avait rien, y était parvenue. Si elle avait retrouvé sa Nina vivante, elle aurait eu besoin de ce savoir, autant que la reconnaissance. Un truc pas si facile à expliquer avec des mots, en fait.

Dans un élan de profonde reconnaissance et compassion, je la pris dans mes bras, la serrant, sans doute plus fortement pour moi, que pour elle-même. « Arrêtes, Lexie. Tu n'aurais rien pu faire. Les choses sont comme elles sont et parfois, elles sont si injustes qu'on essaye de se convaincre qu'on aurait pu faire les choses différemment, mais c'est faux. » Je m'écartais un peu, posant mes mains sur ses épaules pour la regarder. « Il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien... Même lorsqu'on a toutes les clés en main pour l'empêcher. Le destin est un vrai sadique parfois. » Même pire. Il pouvait réellement être plus sadique que le plus grand des sadiques. N'avais-je pas abandonné mon fils pour qu'il soit adopté par celle qui m'avait, des années plus tôt, séparé de ma famille, dans l'unique but qu'il me retrouve un jour et me conduise à réduire les plans de la Méchante Reine à néant ? Un destin créé avant même ma conception, pour s'assurer que la Sauveuse sauverait le monde des contes de fées... Voilà pourquoi j'avais si souvent la migraine ces derniers temps.

J'avais, dès le début, sentit une connexion avec cette jeune fille. Elle avait ce quelque-chose dans le regard, cette souffrance muette, visible uniquement par ceux qui portaient la même. Elle avait toutes ces petites choses qui ne me rappelaient que trop mon propre moi, à son âge. Et pour la première fois, je comprenais ce qui avait poussé Cleo Fox à me prendre sous son aile. Comme elle avec moi, il y a longtemps, j'avais envie de raconter mon histoire à Lexie, lui donner les mêmes conseils, dans l'espoir qu'elle parvienne, elle aussi, à trouver son armure, la vie qui lui conviendrait, jusqu'au jour où la bonne personne la ramènerait dans la vie qu'elle méritait vraiment... Priant pour que sa vie à elle ne soit pas une suite inexorable de sauvetages de fins heureuses jamais totalement acquises...

Seulement, je n'étais pas Cleo et je n'avais pas sa maturité et son regard sur sa propre vie. J'étais encore embrouillé dans mes propres ennuis, encore souvent perdu, encore trop souvent surprise de la chance que j'avais d'avoir un fils aussi merveilleux. Je n'étais pas capable de conter les histoires et encore moins de donner des conseils avisés. Je n'avais pas le phrasé pour cela.

Je n'étais pas non plus une femme très câline. Pas à l'aise avec les autres, ni dans le verbe, ni dans le geste. Si j'agissais volontiers plus que je ne parlais, je ne me montrais tactile qu'avec mes très proches (bien peu nombreux) et n'avait généralement le geste facile que dans la défense ou l'attaque. Je n'étais pas câline avec les inconnus et pourtant, je gardais une étreinte solide avec elle, pour lui montrer qu'elle n'était plus vraiment seule au monde, parce que c'était important pour elle et que je voulais qu'elle le comprenne. Je hochais donc la tête, avec le regard du « c'est tout naturel, tu n'as pas à me remercier », ce que considérait. Elle n'avait pas à être reconnaissante. Elle devait juste trouver la paix, sa voix et son bonheur. C'était tout ce que je voulais pour elle et de sa part. Ma seule récompense.

Puis, tout d'un coup, elle sembla retrouver le contrôle de ses émotions et surtout de ses pensées et me demanda s'il était possible de ne pas en parler à Cly, de peur de le blesser. Je souris doucement, hochant la tête. « Je t'ai retrouvé. Ce n'est pas à moi de lui dire où. » Déjà parce que ce n'était pas mon rôle, ensuite et surtout parce que toute relation de confiance était essentielle. Elle fuirait de nouveau. Elle irait se cacher, de nouveau. Si je voulais avoir les bonnes pistes et la retrouver rapidement, je devais connaître ses endroits de prédilections et être seule à les connaître. Je devinais que, d'une certaine façon, elle avait besoin qu'on la trouve, qu'on l'aide à faire le tri dans ses pensées et qu'on la ramène. Une sorte de preuve qu'elle existait pour plus d'une personne et qu'elle méritait qu'on vienne la chercher, peu importe où. Mais pour conserver ce besoin, elle avait besoin de se sentir en sécurité. Savoir que même si je la retrouverais toujours, personne d'autre n'en serait capable parce que j'aurais trop parlé et personne ne la forcerait à rentrer. C'était à elle de choisir le moment où elle était capable de retourner dans le monde présent. « Cette discussion, ce que tu m'as dit. C'est entre toi et moi. Si quelqu'un doit en parler, c'est toi. Personne d'autre. » Je lui offris un doux sourire. « Et on rentre quand tu seras prête. » J'avais le temps. Bien... En fait, non, pas vraiment, mais qu'importe. Elle méritait qu'on prenne le temps. Le reste pouvait attendre.


Dans un élan de profonde reconnaissance et compassion, je la pris dans mes bras, la serrant, sans doute plus fortement pour moi, que pour elle-même. « Arrêtes, Lexie. Tu n'aurais rien pu faire. Les choses sont comme elles sont et parfois, elles sont si injustes qu'on essaye de se convaincre qu'on aurait pu faire les choses différemment, mais c'est faux. » Je m'écartais un peu, posant mes mains sur ses épaules pour la regarder. « Il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien... Même lorsqu'on a toutes les clés en main pour l'empêcher. Le destin est un vrai sadique parfois. » Même pire. Il pouvait réellement être plus sadique que le plus grand des sadiques. N'avais-je pas abandonné mon fils pour qu'il soit adopté par celle qui m'avait, des années plus tôt, séparé de ma famille, dans l'unique but qu'il me retrouve un jour et me conduise à réduire les plans de la Méchante Reine à néant ? Un destin créé avant même ma conception, pour s'assurer que la Sauveuse sauverait le monde des contes de fées... Voilà pourquoi j'avais si souvent la migraine ces derniers temps.