La porte de la cabine était fermée. Un moment qu’il voulait lui en parler et là, regardant la cabine du capitaine, il fixait cette fichue porte. Que faisait Anne ? C’était peut-être le bon moment. Ils allaient longer les côtes proches de Berk et il comptait bien rendre visite à Harold. Harold et ses dragons. Tirant sa bouche d’un coin à l’autre comme un tic nerveux, il hésitait. Allez, il tentait !
Revenant des cales, il avait remplis une carafe du rhum personnel du Capitaine Bonny. Amenant le liquide très appliqué à rien renversé sur le chemin, il toqua à la porte. On l’invita à entrer. « Hey ! Je me suis dit qu’une petite pause s’imposait non ? Tu fais quoi ? J’te dérange ?» dit-il l’air de rien, brandissant le rhum tout en jetant un oeil très curieux sur les éventuelles occupations de la femme. Il posa la carafe sur le bureau et partit ramener un verre qu’il commençait à remplir. « Tiens assied toi confortablement dans ton fauteuil et prend donc un verre... » la charmait-il avec un sourire un peu trop tiré pour être entièrement sincère. Cela se sentait à des kilomètres qu’il voulait lui demander quelque chose.
Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis ma dernière rencontre avec Absolem… Plus aucune trace de lui, et son absence se faisait de plus en plus pensante. Devant mes hommes, je ne laissais rien paraitre, mais lorsque j’étais seule, mes pensées étaient toujours tourner vers ce démon dont l’ombre hantait mon existence. Où pouvait-il bien être ? Que faisait-il ? Etait-ce la fin ? Plus jamais nous nous croiserions ? L’autre jour, c’était la dernière fois que nous nous verrions ? Je ne savais pas pourquoi, mais il me manquait terriblement… Nous avions passé que deux moments ensemble, et il occupait une grande partie de mes réflexions. Je soupirai et regardai la rose de cristal qu’il m’avait offert. Un petit tour d’alchimie, une véritable rose devenue une rose éternelle… Elle était toujours aussi belle. Alors que la fixait, quelqu’un frappa à la porte. Je posais l’objet sur mon bureau en me levant pour aller vers la porte, et fis entrer celui qui avait toqué. C’était Billy. Il me proposait une pause. Son intervention n’était pas de refus, elle m’empêchait de me morfondre davantage dans mes souvenirs.
- Je réfléchissais un peu. Non, tu ne me déranges pas.
Il commença à me servir du rhum…Hm… ça sent le roussi cette histoirePensai-je. Il m’invita à m’asseoir tout en me tendant le verre d’alcool. Je le pris entre mes doigts et regardai le jeune mousse sourcil arqué.
- De quoi as-tu besoin ? Que veux-tu cette fois ? Et ne me mens pas… Je sais quand tu as quelque chose à me demander.
J’avais appris à le connaître… Et il n’était pas bien différent d’un enfant qui voulait demander quelque chose à ses parents. J’attendis donc sa réponse, un peu effrayée par ce qu’il pourrait me demander.
Il ne la dérangeait pas. Son sourire s’étira alors qu’il entrait en regardant toujours sa carafe. « Parfait ! » et ensuite, il l’invita à s’asseoir et lui forçait presque la main de se délecter de son si précieux alcool. « J’ai rien renversé tu sais ! » avait-il dit en lui tendant le verre. Dans le même mouvement, il vint poser ses fesses sur le bord de son bureau, ses jambes ballantes qu’il s’amusait à remuer. Il ne savait pas comment entamer la discussion.
Il n’eut pas besoin. Elle prit le verre et le jaugeait telle une mère qui étudiait les moindres faits et gestes de son enfant. Billy souriait toujours, même s’il était plus timide et pincé que le forcé toutes dents dehors qu’il lui avait offert. Elle lui demandait ce qu’il voulait. Billy perdit rapidement son sourire, prit sur le fait, amenant sa main à sa bouche, pensif. « Euh mais non... Enfin si ! » commençait-il à balbutier et montrait le fauteuil de ses deux mains avec engoument. « Mais assied toi donc. Reste pas debout comme ça devant moi, j’ai l’impression que tu vas déjà me punir sans même savoir ! » répliqua t-il en étrécissant les yeux. Pas trop longtemps, le but était de la caresser dans le sens du poils, pas l’énerver avant même d’avoir marchander. « On va passer bientôt proche de Berk, et d’un je comptais passer voir Harold et tout, prendre des nouvelles... » dit-il, tournant autour du pot. Ses bottes tapaient légèrement contre le bureau, et il regardait en l’air, dodelinant de la tête. « Et je me suis dis que si j’arrivais à bien approcher un dragon et à un monter un de moi même, comme il a essayé de m’apprendre. Je pourraaaaaaaaaiiiiiiiiiis... en ramener un ! » avait-il lâché la fin très rapidement, comme s’il n’avait rien dit. Il accentua le tout d’un petit sourire attendrissant. « Ca ne nous couteras rien, ni à moi, ni à toi ! » ajoutait-il déjà quelques arguments.
Perdue dans mes réflexions, je fus interrompue par Billy qui semblait avoir besoin de quelques choses. Il était ravi de me voir prêt à l’accueillir pour… discuter ? Le regardant faire, il me dit fier de lui, qu’il n’avait rien reversé. Je pris le verre de rhum tout en gardant un œil sur le petit mousse qui s’installait sur mon bureau, balançant ses jambes d’avant en arrière. Et voyant qu’il n’arrivait pas à entamer la conversation, je lui dis tout de suite que j’avais compris son petit jeu, et lui demandai ce qu’il voulait. Ça irait beaucoup plus vite comme ça. Il souriait toujours, et j’attendais toujours la réponse. Billy commençait des phrases sans les finir, se contredisait tout seul. Je bus donc une gorgée d’alcool, attendant patiemment. A sa demande, je m’installai sur mon fauteuil, peut-être que ça l’aiderait à parler. Le début commençait plutôt bien il voulait simplement rendre visite à Harold, une connaissance viking. Certes, le village était aussi habité par des dragons, mais j’aimais bien m’y rendre. Je ne voyais pas d’objection à faire une halte là-bas.
- Oui, on peut passer par là, il n’y a pas de problème, ça lui ferait même plaisir, j’en suis sûre.
Mais la suite de sa demande manqua de m’étrangler. J’avalais mon rhum de travers et regardai Billy avec des grands yeux surpris. On ne pouvait pas avoir ce genre d’idée !
- Ce n’est pas possible voyons ! Tu te souviens de notre conversation sur la poudre à canon ? Bah là, c’est un peu pareil : un dragon, sur un bateau au milieu des mers, ce n’est pas une bonne idée du tout. Je suis désolée.
Il ne pouvait pas vouloir un chien, un chat, ou un lapin comme tout le monde ?
Lorsqu’il parla de Berk et de Harold, Anne était pour et Billy n’en fut que ravi. « Ah, trop content ! » avait-il donc partagé sa joie quand elle disait que cela ne posait aucun soucis, tapant des mains sur ses cuisses. Il engagea alors le numéro deux de son plan. Sa voix était hésitante, il cherchait ses mots et comment l’amener. Mais finalement, il lui dit tout aussi simplement que cela pouvait l’être. Il voulait un dragon. Il cracha alors le tout.
Anne le regarda éberluée après avoir avalé une gorgée de rhum de travers. Billy grimaça, inquiet et redoutant qu’elle était pour. Il tenta un sourire encore, mais penaud et bref. Forcément, elle lui dit non. Elle fit allusion à la poudre à canon. Le mousse abaissa un sourcil sceptique et cherchait dans sa mémoire avant de faire un lien. Il fut un peu long à faire. « Mais si j’en prends un petit, il détruira pas le bateau. Et y’en a qui crache pas de feu tu sais. Genre de l’acide ! » se retint-il de parler de ceux au gaz combustible, se rendant compte que l’acide ce n’était pas le top non-plus. « Je le dresserai et lui dirai d’être sage ! » continuait-il d’argumenter, faisant quelque pause parfois pour les trouver. « Mais rhoooo... C’est pas si dramatique un dragon. T’façon la moitié des autres animaux sauf les rats et les chats portent malheurs sur un bateau... » commençait-il déjà à râler.
La première étape de la demande était plutôt raisonnable et même bienvenue. Il était toujours agréable de revoir d’anciennes connaissances, voire d’anciens amis. Ce fut donc avec plaisir que j’acceptais la demande de mon jeune mousse qui souhaitait simplement revoir Harold Haddock, un dresseur dragon viking. Même si notre rencontre avait été un peu houleuse car il nous avait pris pour des chasseurs de dragons, tout s’était très vite arrangé lorsque que nous nous étions expliqués, et que je lui avais expliqué notre véritable nature. Cependant, me demander d’accueillir un dragon sur le navire, c’était autre chose, et c’était en rien raisonnable.
Je rappelais alors à Billy une conversation que j’avais déjà eu avec lui sur les jeux dangereux que pouvait provoquer la poudre à canon, et surtout le danger que ça représentait sur un navire. Il essayait de se défendre, mais ses arguments étaient peu convainquant, au contraire.
- Ah ? Et de l’acide sur un navire, ce n’est pas dangereux peut-être ? Et même un petit dragon, c’est beaucoup de responsabilité, et ça reste un danger, pour tout le monde. Il te faudra combien de temps pour le dresser ? Le dressage se fera sur la terre ferme, et on ne peut pas se permettre de rester longtemps au même endroit.
Il continua, expliquant que les autres animaux portaient malheur sur un navire. Il n’y avait pas que les autres bêtes qui portaient malheureux sur un bateau. Je le regardais alors l’air sévère et peut-être même un peu vexée.
- Un loup, ça porte malheur aussi ? Et les femmes alors, ça ne porte pas malheur également ?
Pourquoi un dragon ça ne porterait pas malheur aussi d’abord, hein ?
« Bon d’accooooord ! L’acide c’est pas forcément mieux ! Mais je lui apprendrais à être sage j’ai dis, promis !! » avait-il insisté en joignant ses mains en prière sous son visage, des yeux attendrissant. Anne répliqua que c’était un danger. « Quoi un danger ? Si Harold t’entendait ! C’est parce que tu ne les connais pas... C’est tout. » ouais et moi non plus. Enfin pas vraiment. « [color=teal]Krockmou, tu sais il sauve souvent Harold quand il tombe et se fait attaquer et tout ! Si tu trouves ça dangereux, moi je sais pas ce qu’il te faut. Tu veux t’être qu’il prépare des gâteaux ? » commençait-il à répondre avec ironie, un peu indolent. « Et euh... Ah... Et si c’est pas long à dresser et que je reste seul sur terre. Je vous retrouverais avec mon dragon après ? » tenta t-il avec des étoiles dans les yeux rien que de s’imaginer chevaucher ce genre de bête.
« De toutes façons ... » avait-il continué sur le fait que la moitié des animaux n’étaient pas apprécié sur les bateau et Anne avança ses contre-arguments. Billy fronça les sourcils. « Mais ça n’a aucun rapport ! De plus pourquoi je voudrais d’un loup ou d’une femme sur le navire vu que t’es déjà là. J’ai pas besoin d’autre. ». Il se mit à croiser les bras et regarder droit devant lui avant de souffler. « Les chiens c’est con, les chats traitres, et euh... les lapins débiles, les serpents c’pas affectifs. Et les rats sont pleins de maladie ! ». Silence. « Puis s’il brule le bateau, je peux éteindre le feu facilement je te rappelle... » grommelait-il, toujours l’air renfrogné en faisant allusion à ses pouvoirs d’hydrokinésie.
Non, en effet, l’acide ce n’était pas mieux ! Cet enfant était parfois d’un entêté ! Il essayait aller de me faire plier en joignant les mains. Mais ma décision était prise, c’était un non catégorique. Billy essayait même de m’expliquer que ce n’était pas un danger, c’était juste que je ne connaissais pas les dragons. Arquant d’un nouveau le sourcil, je fixais le mousse, contrariée.
- Et toi ? Tu sais beaucoup de choses sur les dragons peut-être ?
Ce n’était pas difficile à comprendre « non » quand même. Je n’étais pas si sévère que ça, c’était juste pour la sécurité de tout le monde, et pour le confort de tous sur le Revenge. Il essayait même de me dire que Krockmou sauvait Harold pour me démontrer que ça pouvait être gentil, jouant sur l’ironie.
- Tu ne vas pas me dire qu’un dragon c’est inoffensif ? Et si… je ne sais pas, si le dragon n’aimait pas un membre de l’équipage, hein ? Un lapin, par contre, c’est inoffensif…
Et maintenant, il voulait rester sur la terre ferme tout seul… Mais quelle tête de mule ! Pas besoin d’animaux de compagnie, il était déjà un âne buté !
- Et tu vas nous retrouver comment hein ? On bouge tout le temps, et les océans sont immenses. Ça aussi c’était dangereux de voyager seul !
Même si Billy n’est jamais vraiment seul… Il essayait alors de contrecarrer mes arguments.
- Justement ! Je suis déjà là, et tu trouves que je porte malheur ??? Quoi un chien c’et con ? Mais pas du tout ! Et ça peut être très affectif ! J’aime bien les lapins. D’accord pour les chats, les serpents, et les rats… Ensuite, le feu peut très vite faire des ravages… Si ton dragon crache l’acide, tu ne peux rien faire, pareil pour le gaz combustible… Oui, j’en sais un peu sur les dragons. Et de toute façon, j’ai dit non Billy… Pas la peine de discuter.
« Eh bah oui Madame ! J’ai lu un livre sur les dragons ! Et j’espère bien que Harold peaufinera mon savoir avec de la pratique ! » avait-il répliqué du tac-au-tac, l’air fier et à la limite de l’indolence. Sur la fin, il avait des étoiles dans les yeux et se mordait la lèvre d’excitation à s’imaginer la partie pratique du l’apprivoisement. Après ça, elle n’acceptait toujours pas un dragon. Quoi qu’il aurait pu dire, c’était trop dangereux. Elle parlait d’un incident de dévorage d’équipage si la bête n’était pas d’humeur. Billy se mordit la langue et s’enfonçait les ongles dans les paumes pour ne pas le laisser parler. Mais tu le fais bien toi !!! Bon okay ! moi aussi... Après... « un de plus, un de moins... » avait-il à peine souffler, à demi-mot dans ses pensées.
« Mais j’aime pas les lapins... » avait-il finit par geindre en se plaquant lourdement les mains sur le visage et lui jetant un regard désespéré entre ses doigts. « Mais ! » voulait-il la contredire, mais il se ravisait. Elle avait raison sur certain point et surtout qu’il avait compris et vu comme les autres pouvaient s’inquiéter pour ceux qui leurs étaient chers. Il sait se défendre, qu’il avait eu envie de lui dire mais jusqu’à quel point le pouvait-il finalement ? Il n’en savait rien. Une moue boudeuse, il finit par râler, éclatant tout un tas de défaut à chaque animaux qu’on trouvait dans n’importe quel foyer.
Quand il avait parlé du chien et qu’elle était étonné d’entendre que l’animal était « con » il eut peur. Heureusement, elle n’avait pas l’air d’avoir fait le rapprochement avec le loup. Oooouuuf ! Elle aurait tellement pu mal le prendre. Réfléchis avant de parler ! Il n’avait pas forcément réfléchis avant de parler. Il ne le pensait pas réellement non plus. Anne écrasait tous les arguments de Billy un à un. S’il pouvait être buté, elle l’était aussi. « Et si j’en prends un qui va sous l’eau hein ? Comme ça, il est pas obligé de rester tout le temps sur le bâteau ! Heiiiin ! Y’auras moins de risque... Tu m’as bien accepté moi, pourquoi pas un dragon ? Je suis tout aussi dangereux... Je m’énerves, une lanterne qui se brise et pouf... » mimait-il la déflagration du feu dévorant le navire avec ses mains. « Ou alors un tout petit-petit-petit ??? Ah mais non ! Je pourrais plus le monter... Hmmm. Oublie. Un qui va dans l’eau ??? ».
- Il y a des choses qui ne s’apprennent pas dans les livres, monsieur ! répliquai-je.
Apprendre à appréhender les gestes brusques d’un dragon, à deviner ses besoins, des souffrances, ça ne s’apprenait pas dans les pages d’un ouvrage, ça se vit, ça s’apprend sur le terrain. Comprendre un animal, c’est bien plus compliqué que de comprend un être humain qui est doté d’un langage qu’i comprendre. Le temps d’un éclair, je vis la pensée qui traversait l’esprit de Billy : selon mes humeurs, je pouvais moi-même dévorer quelqu’un.
- Vaut mieux éviter le « un de plus », tu ne crois pas ? Le contredis-je sur un ton amer.
C’était très bien un lapin. C’est mignon, tout doux, affectueux… Je ne voyais pas ce qu’il voulait de plus, mais de toute évidence, nous ne partagions pas le même amour pour la petite bête à poils. Mais il était hors de question que nous accueillions un dragon, je maintenais que c’était trop dangereux sur un bateau, et même sur la terre ferme, je ne serais pas rassurée. Face à mon choix de ne pas adopter un tel animal, il faisait la tête, boudait comme un enfant. Cette fois, je ne céderais pas, je ne pouvais pas accueillir un tel animal à bord. Il essaya alors de trouver une autre solution.
- Mais tu ne m’as pas compris ! Je ne veux pas de dragon à bord… Je ne veux pas prendre le risque de voir le Revenge couler par un dragon des mers. Toi, c’est différent… je me suis un peu reconnu en toi : perdu dans un monde que je ne comprenais pas, abandonné de tous, ne comprenant pas très bien ce que je suis. Quelqu’un m’a tendu la main pour m’aider, je voulais t’aider en retour.