Beurk se remettait lentement, mais sûrement, de tout ce qui venait d’arriver en si peu de temps. En réalité, le monde des contes en entier essayait de se relever de la magie noire qui l’avait assiégé pendant plusieurs années. J’essayais avec tant de bien que de mal d’aider les gens et les personnes alentours de moi. Avec Krokmou, tout était possible. Même si nous avions pu échapper au pire, le froid et la glace avaient quand même été dans une partie de nos terres, mais la majorité y avait échappé. Cependant, il fallait aussi se reconstruire en tant que population. Le seul moyen pour nous de se réapprovisionner était maintenant les ports. C’était assez fréquent d’y aller pour faire de bonnes affaires et je ne faisais pas exception à la règle. J’y allais souvent pour prendre des nouvelles des autres royaumes, comme je n’étais pas retourné ailleurs, depuis la dernière attaque d’Ingrid. Il fallait que je prenne soin des gens de Beurk. L’aventure me manquait, néanmoins, je devais l’avouer. Mais il avait fallu que je fasse un choix et je l’avais fait. Je ne pouvais pas risquer de perdre à nouveau tout ce qui avait été dans mon enfance, il fallait que je reste près pour être en mesure d’attaquer. En me dirigeant vers le port, je remarquai, non-loin des rives, une silhouette familière. Évidemment, c’était coutume de croiser des gens qu’on avait vu soit de près ou de loin. La situation actuelle faisait en sorte qu’on voyait des gens qu’on n’aurait pas l’habitude de croiser en temps normal, mais les temps avaient largement changé depuis. « Anne, quel plaisir de te croiser ici. » l’accostai-je. C’était une pirate, dont j’avais pris le navire pour une flotte de chasseur de dragons... avant de comprendre qu’elle n’en n’était pas une.

Bien sûr, les vikings restaient très méfiants quant aux nouveaux bateaux qui pouvaient débarquer sur les rives. À Beurk, on en faisait autant, sinon plus. On en avait vu de toutes les couleurs ces dernières années avec des chasseurs de dragons ou des sorciers mal intentionnés. Mon père avait mis un contrôle très strict sur ce qui arrivait sur les rives et il m’avait demandé de garder le port. Il se trouvait que c’était ma garde, plutôt un drôle de hasard pour croiser mon amie aventurière. Évidemment, je suis descendu de Krokmou avant d’aller voir les personnes qui l’avaient bêtement prise pour ce qu’elle n’était pas vraiment. Enfin, je n’en voulais pas à notre garde de port, son navire portait tout de même le pavillon pirate, mais histoire que ce malentendu ne se reproduise pas, je devais m’assurer que la présence de Anne ne représente pas une menace aux yeux des habitants de la tribu, bien au contraire. Je me suis rapproché. « Elle est des nôtres. Pas besoin d’en faire une scène. » Le garde a tout de suite vu que j’étais là, avec Krokmou et il l’a laissé entrée. C’était une bonne alliée, qui pouvait nous en apprendre plus sur ce qui se passait sur les mers. Même si nous pouvions voler et constater de nous-mêmes, les vols de dragons étaient de plus en plus restreints, avec toute cette histoire de magie noire. Je n’en voulais pas à mon père de mettre des règlements plus stricts, car je comprenais sa peur de me perdre à nouveau à cause de la magie. « Alors, par Thor, quel bon vent t’emmène chez nous ? » lui demandai-je, tout en lui souriant chaleureusement.

C’est en voyant d’autres voyageurs qui accostaient sur nos rives que je me rendais compte que nous n’étions pas les seuls touchés par tous les événements qui avaient touchés tous les Royaume. Je n’avais pas vécu cette malédiction de vivre la même journée à tous les jours, mais j’en avais tout de même été conscient malgré tout. Je voyais également des paysages que je survolais autrefois en compagnie de mon compagnon, détruits par la neige ou la glace. Certaines parties étaient tout simplement un produit de la malédiction de la Méchante Reine. Toutefois, ce n’était pas une excuse pour ne pas se serrer les coudes, même avec des gens chez qui on n’aurait pas eu l’instinct de se tourner. Après tout, on partageait tous le même territoire, il fallait simplement cohabiter ensemble, comme Beurk l’avait fait avec les dragons. Écoutant Anne attentivement, j’étais un peu inquiet. Parfois, certains marchands accostaient ici et ça pouvait être une raison pour eux de ne pas venir sur nos terres. Tout cela ne me disait rien qui vaille. « Rien de cassé, j’espère ? » m’assurai-je. Je savais qu’elle était une bonne voyageuse en mer, mais on ne savait jamais. « Évidemment, que vous le pouvez. Il n’y a pas abondance, comme dans le temps, mais on a encore quelques réserves. » Descendant alors du navire et se dirigeant vers les terres, elle me demanda alors si on tenait le coup sur Beurk. Bien sûr, c’était un peu comme les autres royaumes touchés. On avait eu de la chance, seulement une infime partie avait été touchée, mais c’était assez pour décourager certains. Je soupirai. « On garde le moral. On a eu de la chance, il n’y a eu qu’une partie de nos terres de touchées, mais... après coup, certains ont tout de même décidé d’aller tenter leur chance ailleurs. » Je faisais allusion au fait que certains vikings avaient décidé de quitter les terres pour aller dans cet autre monde, dont tout le monde parlait. « Et toi ? En mer, c’est pas trop mal, du coup ? »

« L’important, c’est que tout le monde aille bien. » avais-je répondu avant de l’emmener sur Beurk. On n’avait pas grand-chose à lui offrir, mais si ça pouvait simplement l’aider à se remettre sur mer en toute sécurité, ce serait une bonne mission d’accomplie. Je ne me serais jamais permis de la laisser retourner sans avoir les provisions nécessaires pour se retourner la manche de ce contre-temps. J’étais très heureux de lui venir en aide. C’était dans ma nature de faire ce genre de choses. Et puis, le moindre que je puisse faire dans ces moments-là, c’était de se serrer les coudes. J’avais encore de la rage et du dégoût pour tous les ennuis qu’on avait eu durant ces dernières années. Même si Astrid et moi on s’en était pas mal sortis, on ne pouvait pas en dire autant des autres personnages ou des personnes de notre propre village. « C’est génial que vous ayez pu vous en sortir, c’est le principal et je suis désolé pour ce froid. Et puis, ne t’inquiète pas, mieux vaut rester souder pendant ces temps difficiles, tu sais. » Même si ce n’était pas à moi de le faire, je voulais tout de même sympathiser. Nos terres aussi avaient été durement touchées par cet hiver interminable. Malgré le fait que j’avais essayé de limiter les dégâts, il fallait qu’on se relève de toute cette épreuve. « On l’espère tous. » dis-je, tout en soupirant. Je ne savais pas comment nous allions faire. Je ne parlais pas seulement de Beurk en tant que village, mais le reste. Je me rappelais de ces balades et de tout ce que nous avions vu avec Krokmou dans les airs. C’était désolant. « Et si le moral des troupes va bien, on va tous pouvoir s’en sortir, ton équipage et toi y compris. »

Beurk avait eu de la chance de s’en sortir presqu’intact, malgré la neige. Ailleurs dans les différents royaumes, je savais que ce n’étais pas autant le cas et les récits que me racontaient Anne me confirmaient le pire : certains endroits étaient impraticables. Ce n’était pas les bons temps comme nous les avions connus autrefois. Évidemment que la sorcière s’était calmée, mais je me demandais toujours jusqu’où elle serait justement capable d’aller. La magie était un élément fort dans notre monde et il fallait y faire attention. Menant Anne jusque dans les petits marchés de Beurk, j’hochai la tête sans ajouter quoi que ce soit. Je détestais parler de ces sujets, c’était un peu comme la politique. J’étais heureux d’avoir des nouvelles des autres contrées, mon père ne me laissait plus voler comme je l’entendais et c’était parfois un problème, moi qui aimait voyager sur le dos de Krokmou, mais il estimait que j’étais une cible trop facile et que même Krokmou pourrait avoir des ennuis. Je l’ai écouté, mais il m’arrivait parfois de lui désobéir parce que j’étais Harold Haddock, quoi ! Donc bien entendu, je n’avais pas grand-chose à raconter de nouveau à Anne concernant mes voyages, malheureusement. Je soupirai, avant que nous nous arrêtions prendre ce dont elle avait besoin devant un kiosque. « Pas vraiment non. Mon père ne veut plus que je parte aussi loin et encore moins que j’effectue des vols aussi hauts. Il a peur de me perdre à nouveau. » On avait réussi à vivre vingt-huit ans dans l’oubli, tout le monde. J’avais voulu explorer le monde avec Astrid et même si les habitants de Beurk avaient vécu la même journée, ça n’avait pas été notre cas, ayant été sous la bénédiction de la sorcière Cora. Cependant, je ressentais la méfiance, surtout après tout ce qui était arrivé avec Ingrid et tout ce climat glacé. « Et sinon, comment va Billy ? Il ne te fait pas trop la vie dure ? » lui demandai-je, tout en la taquinant.