Ingrid était ma tante, et malgré tout le mal qu'elle avait fait autour d'elle, j'éprouvais une certain compassion à son égard, car ce sentiment de solitude, je l'avais enduré, moi aussi. Je sentis une vague d’inconfort quand Ingrid évoqua son passé, et surtout quand elle mentionna Anna. Elle avait raison sur un point : Anna avait toujours cru en moi, malgré tout ce que j’avais pu faire. Cela m’avait sauvée à plus d’une reprise, mais cela me rappelait également la responsabilité que j'avais envers elle, envers tous ceux que j’aimais, envers mon royaume. La comparaison avec l’histoire tragique de ma tante et de ma mère me donnait un sentiment de malaise, comme si une part de moi comprenait enfin la douleur qu’Ingrid avait endurée.
Cependant, alors qu’elle continuait à parler, mes doutes refirent surface. Elle parlait de canaliser mes émotions, de surmonter mes peurs. Mais comment le pouvais-je vraiment, alors que mon pouvoir était si intimement lié à mes émotions ? Je n'avais pas eu des années de solitude dans une urne pour comprendre, comme elle l'avait fait. Mon seul repère avait été cette chambre froide où je m’étais enfermée, fuyant mes propres sentiments pour protéger les autres, puis ce palais de glace que je m'étais érigé loin d'Arendelle dans la montagne.
Lorsque les chaînes glacées se formèrent autour de mes poignets, mon cœur fit un bond. Mon regard se posa instinctivement sur elles. Ma tante venait littéralement de me mettre à l’épreuve, et l'ironie ne m'échappait pas. Le poids de ces chaînes n'était pas seulement physique, il symbolisait ma peur. Elle me le faisait comprendre de la manière la plus brutale qui soit.
Sourcils froncés, je ne pouvais m’empêcher de ressentir un pincement de colère, comme si elle exploitait mes faiblesses pour me pousser à bout. Mais je savais qu’elle avait raison, et c’était bien ce qui me frustrait le plus. Tout cela reposait sur la peur, et plus je la laissais grandir en moi, plus je risquais de perdre le contrôle. Depuis le début, c'était ça.
Je levai la tête, bien décidée à affronter ce défi.
- C’est toi qui m’as mis ces chaînes, pas moi. Je n’ai peut-être pas encore toutes les réponses, mais je ne te laisserai pas me briser.
Je n’allais pas lui donner cette satisfaction. Je sentais la glace sur mes poignets, froide et oppressante, comme le poids de mes propres doutes. Le froid ne me dérangeait pas, c'était plutôt l'oppression. Pourtant, une étincelle de détermination commençait à naître en moi. Je ne pouvais plus me permettre de laisser cette peur me contrôler. Si j'avais appris quelque chose à travers toutes mes épreuves, c'est que la force réside dans l'acceptation de qui l'on est, dans l'amour et la confiance que l'on porte à ceux qui nous entourent.
Je levai les yeux vers Ingrid, mon regard plus assuré cette fois.
- Je vais les briser, ces chaînes. Mais pas parce que tu m’y obliges. Je vais les briser parce que je sais que je suis plus forte que ma peur.
Une fine couche de glace se forma autour de mes pieds, mais je sentais que, cette fois, elle répondait à ma volonté et non à ma crainte.