Désormais, je savais où aller. Revêtu d’une chemise noire, d’un pantalon de cuir et de hautes bottes qui bien qu’ayant vu les Septs Mers durant de nombreuses années étaient en parfait état, mon sac fixé sur mon dos, ma cape coulant le long de mes épaules, je me sentais prêt. J’avais avec moi quelques victuailles et objets. Propres à m’aider dans mes desseins dont le coquillage qui m’avait permis de rappeler Ariel afin qu’elle me transporte dans le monde Storybrooke. Je lui avais demandé de ne pas me déposer directement dans son port, mais sur la rive opposée. Traverser la forêt ne m’effrayait pas et je souhaitais qu’elle ne soit pas mêlée au meurtre du Crocodile. J’avais donc éludé ses questions, en lui expliquant qu’il était vital qu’elle ne pose pas de questions et ne cherche pas à savoir les raisons de ma venue, mais plus encore qu’elle devait faire comme si nous ne nous connaissions pas. Peut-être gafferait-elle ? Sûrement. J’espérai juste qu’elle me laisse le temps d’assouvir ma vengeance.
Je savais que je retrouverais là-bas Emma et Régina. Il fallait juste que je frappe vite et fort avant qu’elles n’aient le temps d’intervenir. Régina tenterait-elle de m’en empêcher ? Ou se contenterait-elle d’observer et de s’amuser du duel qui opposerait les deux ex-amants de Milah ? Je n’en savais rien. Emma chercherait-elle à me dissuader d’opérer ma vengeance ? J’en savais encore moins. Elle n’était qu’un rêve si réel, mais peut-être avait-elle tout oublié ?
Le court moment partagé dans le château d’Ingrid ne me laissait pas suffisamment de piste quant aux incidences qu’elle pourrait avoir sur mon futur, si ce n’est qu’elle avait tenté de m’empêcher de de mener à bien ma mission et qu’elle avait réussi. Me laissant un goût amer de défaite écrasé par la perte de mes chances de retrouver Milah.
Maintenant, je ne pouvais qu'avouer qu’Emma me troublait et que je brûlais de la revoir. Pourtant déchiré à la pensée de trahir mon ancien amour. Le temps était-il venu de tourner la page ? De laisser derrière moi les souffrances de sa perte ?
Sur le Jolly Roger, lors de cette nuit inoubliable où nous avions partagés quelques heures bien trop courtes à mon goût, j’avais crû sentir la présence de Milah, bienveillante, tendre, comme si elle approuvait ce qui se passait, comme si elle voulait me donner son accord pour que je passe à autre chose. Cela incluait-il l’oubli de la vengeance qui était mon unique but dans la vie ? Non. Je me refusais à le croire.
Ayant remercié Ariel, je l’avais regardé partir, puis j’avais fait un détour et traversé la forêt. Il allait me falloir trouver la boutique du brocanteur. Je n’avais que peu d’informations. Celle que j’avais pu récupérer auprès de Belle à travers la pierre miroir. Il me faudrait jouer serrer. Je comptais arriver de nuit et mener mes investigations discrètement.
La ville ne semblait pas grande et dans ce genre de cas tout le monde se connait. Un étranger muni d’un crochet serait facilement reconnaissable. Si cela venait aux oreilles du Crocodile, je perdrai le bénéfice de la surprise et donc un grand pourcentage de mes chances de réussite.
La lune pleine éclairait mes pas dans la forêt et même s’il m’était arrivé de me sentir épié, j’avais mis cela sur la présence d’animaux nocturne. Je n’allais pas me laisser effrayer par un loup ou un renard.
Arrivant à l’orée des bois, les lumières de la ville rivalisaient avec celle des étoiles et de l’astre lunaire. Rajustant mon sac sur mon épaule, je m’immobilisais lorsqu’un craquement de branche se fit entendre non loin de moi.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Parfois, la rapidité avec laquelle une rumeur se propageait dans Storybrooke était effrayant, voir embêtant. Parfois... Seulement parfois, cela se révélait utile et bienvenue. Leroy était le meilleur colporteur de toute la ville et tout le monde le savait. Ce nain grincheux aimait se plaindre de tout et de tout le monde, mais il aimait surtout raconter aux autres des choses qu'ils ignoraient. Impossible de savoir qui lui avait dit que dans la forêt se cachait un sombre pirate aux desseins mortifère, mais il avait peu à peu répandue la rumeur et celle-ci m'était vite revenue aux oreilles. Or, je ne connaissais qu'un sombre pirate aux desseins mortifères et dès que le lien avait été fait, je n'avais pas su si j'en étais heureuse ou défaite.
La réalité d'un rêve lointain s'était faite brutalement quelques semaines plus tôt et j'avais soigneusement évité de réfléchir aux conséquences de cela depuis lors. Le Capitaine Crochet avait été un rêve, fait des années plus tôt et le fait de l'avoir revu dans un autre monde ne signifiait pas qu'il ne pouvait pas rester à l'état de rêve... Sauf qu'à présent, il avait pénétré mon univers, ma réalité, sous le coup d'une simple rumeur. Je devais absolument en avoir le cœur net. Je devais le voir de mes propres yeux et lui dire que notre rêve n'en était qu'un. Que rien de ce qu'il s'était passé ce jour-là n'était réel. Que jamais je ne pourrais lui permettre de tuer un habitant de ma ville, même le Crocodile qu'il avait tous les droits de haïr plus que tout au monde.
Ne sachant pas trop par où commencer, j'avais rejoint les bois et tenté de trouver une trace humaine. Il y en avait, la plupart sur les chemins forestiers, mais je décidais de fouiller plus en profondeur, cherchant en dehors des sentiers. J'imaginais mal Crochet suivre des chemins tout tracés. Et je trouvais, finalement. Rien qu'une emprunte de botte. Une empreinte dans un sol un peu trop meuble, prise entre les rochers. J'avais au moins une direction et une idée de l'endroit où il pouvait se rendre au vu de ma localisation.
Ce fut bien lui que je vis, à la sortie du bois, après plusieurs minutes d'une marche rapide. Je ralentis, assez pour ne pas me faire voir et entendre, pas assez pour ne pas m'approcher encore et pouvoir ainsi m'assurer de ce que je savais déjà : son identité. Crochet...
N'y prenant pas garde, je marchais sur une branche, qui craqua sous mon poids et je me figeais, alors que je le vis en faire de même. « Bonsoir, Crochet », soufflais-je, me révélant, essayant de rapidement faire savoir que c'était moi. Il avait survécu à tellement de choses et je l'avais vu combattre. Je l'avais affronté à l'épée et déjà armée, j'avais eu du mal, alors sans épée, même si j'avais mon arme à ma ceinture – celle-là même que je refusais toujours d'utiliser sur lui -, je préférais rapidement lui faire savoir que c'était moi, avant qu'il ne prenne l'option de m'attaquer sans préavis.
Sa voix. C’était elle. Cette fois il n’y avait plus de doute. Ce n’était pas simplement un rêve, une chimère. Je n’étais pas endormi. J’avais à de nombreuses reprises caressé, lors de nuits torrides, son corps, sa peau, baisant ses lèvres, lui donnant le plaisir qui nous avait été volés en songe. Me réveillant au matin inassouvi et frustré. Irritable pour la journée. Lentement, je me retournai et la dévisageai.
« Bonsoir Emma. »
Elle était encore plus belle que dans mon souvenir. La lune venait baigner son visage de sa lumière argentée, semblant donner à sa peau une brillance irréelle.
« Je t’ai manqué ? »
Ironie. Même si je souhaitais de tout mon cœur qu’elle me réponde positivement. Un petit sourire crispé. Derrière ces paroles, ma volonté de cacher mon objectif. Mon mal-être. Comme pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un mirage, je m’approchais à découvert.
« On dit jamais deux sans trois. »
Nous nous étions vu déjà deux fois. Une fois sur mon navire, une fois dans le château de la Reine des Neiges. Je n’avais pas voulu la suivre. Il y’avait Régina. Il y avait mon équipage. Le Jolly Roger. Un capitaine n’abandonne pas son navire. Jamais.
Rajustant mon sac, je réduisis la distance qui me séparait d’elle. Mes yeux ne quittaient pas les siens. J’aurais pu en oublier tout ce qui m’avait mené ici. Mon objectif. Ma vengeance. Pour Milah, je ne pouvais m’autoriser à ça. Non ? J’en venais à douter. De moi. De tout.
Un vent frais souleva légèrement ma cape, ses cheveux, m’apportant au nez un peu de son odeur. Mon cœur se mit à battre plus vite. Plus fort. J’aurai voulu l’embrasser. Me laisser aller. Je ne pouvais néanmoins oublier que le Crocodile devait mourir pour rétablir l’équilibre. Mon visage se ferma un peu alors que je posais la question qui s’imposait à moi.
« Que fais-tu ici ? Comment as-tu sû ? »
Je ne pouvais croire au hasard. Etais-ce Ariel ? Regina ? Un objet magique qui lui aurait donné ma position ?
Je m’en voulais de lui poser de telles questions. D’être méfiant. Même envers elle et pourtant. L’option que ce soit le crocodile qui l’ait envoyé, voire pire, qu’elle soit à son service, ne devait pas être écartée. La défiance avait toujours été ce qui m’avait sauvé la vie. Et pourtant j’aurais tant voulu qu’il n’en soit pas ainsi. J’aurais voulu la prendre dans mes bras. La serrer. L’embrasser. Reprendre là où nous nous étions arrêtés la première fois. Le passé ne peut être changé. Sinon nous n’en serions pas là. J’avais pourtant essayé en m’alliant avec Ingrid. Pour un échec cuisant.
Lentement, je levais ma main pour caresser son visage, m’interrompant avant de la toucher. De peur qu’elle ne disparaisse. Qu’elle ne s’efface comme une statue de sable sous la gifle du vent.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Il avait été si irréel, pendant si longtemps... Des années à ne croire qu'il n'avait été qu'un rêve. Des semaines depuis le monde de glace à me demander si j'avais rêvé sa présence, son existence, malgré toutes les questions que nos échanges avaient suscitées, notamment chez Regina, peu encline à laisser passer le détail de notre connaissance réciproque de l'existence de l'autre et la vraisemblance d'une histoire passée. Sa voix me fit rapidement le même effet que la première fois, déclenchant de doux frissons dans le bas de mon dos, alors que la douce familiarité de sa présence semblait à nouveau aussi instinctive que ce premier jour, dans ce rêve pas si irréel que ça.
Taquin, il me demanda s'il m'avait manqué et je dus me retenir d'en sourire, de jouer la connivence et la compréhension mutuelle. Il avait été un fantasme nocturne, un besoin dans une nuit solitaire, une possibilité irréelle. Il ne pouvait pas, soudainement, entrer dans ma véritable vie et y avoir une véritable existence.
Pourtant, alors qu'il s'approchait, je le regardais faire, n'esquissant aucun geste, souhaitant plus que tout qu'il me prouve qu'il était vraiment là, palpable, réel, pas illusoire, ni éphémère. Je n'étais pas certaine de survivre une troisième fois à une disparition soudaine.
« J'habite ici », soufflais-je en réponse à sa question, comme l'évidence de ma légitimité à me trouver là, maintenant, dans ces bois. « Je suis le shérif de cette ville. Je suis responsables de ses habitants... et de leur sécurité... à tous ! », précisais-je, esquissant déjà les débuts d'une précision qui serait nécessaire. Parce que je n'étais pas idiote. S'il venait ici, c'était pour Rumpelstilskin. Gold. Il voulait accomplir sa vengeance. Et même si des années plus tôt, je lui avais promis de l'aider pour y parvenir, aujourd'hui, les choses étaient différentes. Je n'étais pas une grande fan de Gold. Je me méfiais même de lui, comme de la peste, mais je devais maintenir l'ordre dans cette ville et cela impliquait de protéger Gold, autant que Regina, contre tous ceux qui pourraient avoir une vendetta contre eux à cause de leur passé dans la Forêt Enchantée. « Rien ne reste secret bien longtemps à Storybrooke. La venue d'un étranger, un pirate redoutable... Ça fait vite parler les commères. Je devais venir vérifier. Je me doutais que c'était toi. Je ne connais qu'un pirate capable de tout pour de sombres desseins dont il ne parle pas facilement. » Ironique, quand on voyait à quelle vitesse il m'en avait parlé, à moi, de Milah, de son histoire et de la promesse qu'il avait faite de la venger, qu'importe le temps que cela prendrait.
Je frissonnais, rien qu'à l'approche de sa main, alors même qu'il ne m'avait pas encore touché, si désireuse de ce dernier contact prouvant qu'il était bien réel. Alors, doucement, je levais ma propre main, attrapant la sienne, caressant ses doigts brièvement, du bout des doigts, abaissant nos mains jointes malgré le désir de sentir sa peau sur ma joue. Je devais rester en sécurité. Nous n'étions plus dans un rêve. Il n'y avait plus juste lui et moi et des personnes dont il parlait. Il y avait Gold, bien réel, menaçant et puissant. Il y avait Regina, qui ferait tout pour maintenir le maigre équilibre de la ville. Il y avait Henry, qui ne devrait jamais se retrouver entre les feux croiser. Il y avait tous les habitants dont j'étais responsable et toutes les vérités que je ne pouvais plus nier : il était réellement le Capitaine Crochet, j'étais la fille de Blanche-Neige et du Prince Charmant et nous ne pouvions pas être amants... Il ne pouvait pas redevenir cette douce obsession rêveuse qu'il avait été, des années plus tôt, après ce que j'avais cru être un rêve bien trop réel.
Malgré tout, je ne lâchais pas immédiatement sa main, m'imprégnant totalement de la saveur de sa peau, de la force tranquille de doigts rendu agiles par des années de pratique de la navigation en haute mer. « Tu es là pour lui, n'est-ce pas ? » J'avais besoin qu'il le dise. Même si je savais que ça ne pouvait être que cela, j'avais besoin qu'il prononce les mots, pour que je mette définitivement la distance nécessaire entre nous. Pour que je le mette dans la case des gens à surveiller et dont je devais me méfier. Qu'il ne soit plus ce presque amant irréel à qui j'aurais tout donné par une nuit de faiblesse.
Je la croyais à Boston et la voici qui résidait maintenant à Storybrooke. Et en plus elle en était le Sheriff. Le destin semblait se jouer cruellement de moi.
Bien sûr que j’étais là pour lui. Mon regard s’ombra d’un mélange de douleur et de fureur. Malgré les décennies écoulées, la souffrance était toujours aussi présente. Peut être légèrement atténuée, mais pas suffisamment pour oublier. Et l’engagement que j’avais prêté lorsque j’avais mis en terre le corps de Milah ne pouvait se balayer d’un revers de la main. J’avais fait un serment et je comptais bien le tenir.
Le contact de ses doigts sur les miens me ramena immédiatement à cette nuit inoubliable où pourtant il ne s’était rien passé de charnel ou si peu. Je la laissais faire. Nos mains liées comme j’aurai souhaités que le soient nos cœurs.
Sur ses paroles une grimace étira mes lèvres. Nos mains se séparèrent et je serrais le poing.
« Et tu as promis de m’aider. »
C’était injuste et je le savais. Mais j’avais besoin de la rallier à ma cause. Par tous les moyens. Pour ne pas être confronté à elle car si une lutte entre nous devait naître, il n’y aurait aucun gagnant. Juste de la souffrance. Encore et toujours à cause de ce maudit crocodile.
« Tu ne peux protéger un meurtrier. »
Ma voix était douce et chargée des sentiments qui me torturaient. Face à elle je laissais tomber mon masque. Je ne pouvais mentir. Je ne voulais pas non plus la décevoir. J’étais pris entre deux feux. Elle savait ce qu’il avait fait ou tout au moins une partie.
« Tu sais qu’il est dangereux et qu’il n’hésitera pas à faire du mal autour de lui. Il ne voit que son propre intérêt. »
Rumple était un monstre. Depuis toujours. Un lâche qui avait récupéré par un coup du sort un pouvoir incommensurable et cela l’avait transformé en ce qui pouvait exister de pire. « Il est égoïste et cruel. C’est un couard qui ne voit que ce qui peut lui servir. »
Elle ne pouvait l’ignorer.
« Tu ne peux fermer les yeux sur ce qu’il est. Ici aussi il a du faire des dégâts. Fais en sorte que cela cesse. Et si tu ne veux intervenir, ferme les yeux et laisse-moi agir. »
De toute façon, je ne resterai pas immobile, je ne ferais pas comme si je ne voyais rien. Mais elle, si elle le faisait, si elle me laissait le champ libre, alors je règlerai les choses en quelques instants et enfin je pourrai passer à autre chose et éviter à d’autres de de souffrir par sa faute.
« Fais comme si tu ne m’avais jamais trouvé et demain matin tout sera réglé. »
Qui regretterait la mort de ce cafard ? Belle ? Elle était aveuglée, probablement par un sort. Elle s’éveillerait et oublierait ces faux sentiments qu’elle avait cru vrai et qui n’étaient que poudre aux yeux.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Je n'étais pas heureuse qu'il soit ici, je devais l'avouer. J'aurais aimé, mais la vie n'était pas aussi simple qu'un conte de fées. Il n'était pas un prince et je n'étais pas une princesse. Il avait un but dont on ne pouvait le détourner, je devais me dresser entre eux... Même si je lui avais promis de l'aider, des années plus tôt.
Promesse qu'il ne tarda pas à me rappeler, brisant brutalement le contact de nos peaux. Je fermais les yeux, alors qu'il argumenta que je ne pouvais protéger un meurtrier. Je savais qu'il était dangereux, oui. Il l'avait si souvent été par le passé. J'en connaissais plus de l'histoire maintenant. Je savais le rôle qu'il avait eu dans la vie de Regina, dans celle de mes parents, dans celle de tous les habitants de cette ville. Je savais que le Ténébreux était dangereux, sans cœur et sans remords.
Pourtant, malgré tout, je ne pouvais pas le laisser faire. Et si la partie la plus fermée de moi-même voulait argumenter que je devais protéger Gold parce qu'il était un habitant de Storybrooke, une autre partie de moi murmurait que c'était pour une toute autre raison. « Je pensais que tu étais un rêve... Tu n'étais pas réel lorsque j'ai promis », soufflais-je, finalement, optant pour la version la plus safe de mes réticences. « Les choses sont différentes dans le monde réel, Crochet. »
Mes sens s'affolèrent quand il me demanda de fermer les yeux, d'attendre jusqu'à demain et que tout serait réglé. « Tu sais que tu cours au suicide, bon sang ! », cracha-t-elle. Elle n'était pas dupe. Plus maintenant. Elle savait exactement à qui elle avait affaire. Pas comme avant. Aussi se positionna-t-elle face à lui, comme pour lui bloquer la route vers un chemin invisible. « Je sais qui il est », assura-t-elle. « Je ne me fais aucune illusion sur ce qu'il pourrait me faire, ou à mon fils, si l'envie lui prenait. Mais on ne peut pas agir comme ça. On ne peut pas juste foncer tête baissée et prier pour un coup de chance. Il est l'être le plus puissant ici et le peu de contrôle que j'ai sur lui n'est dû qu'à sa bonne volonté. »
Elle n'arrivait pas à l'imaginer sous les griffes de Gold. Elle ne le voulait pas. Elle savait que le Crocodile ne se tenait à carreau que parce qu'il le voulait bien et elle n'avait aucune envie qu'il cesse de le vouloir. S'il décidait de prendre son pied en jouant de tous ses pouvoirs, elle ne pourrait rien. Regina pourrait à peine lui tenir tête. Et elle avait assez confiance en Crochet et en leur histoire passée pour penser qu'il pourrait être l'élément déclencheur de toute cette folie. Alors, peu importe comment, mais elle devait le pousser à faire profil bas.
« Tu n’as jamais cru au fond de toi que j’étais un rêve. »
C’était un mensonge. Au fond d’elle, elle avait toujours su que j’étais réel. Que cette nuit avait comptée. Même si nous avions eu des doutes. Et puis nous nous étions revus dans le château de Reine des Neiges. Elle m’avait reconnu. Elle ne pouvait le nier. Elle cherchait juste une échappatoire pour se délier de sa promesse. Je pouvais le comprendre. Mais pas l’accepter.
« Ceci est le monde réel, comme le pays imaginaire. Et si toi tu viens de Boston, le Crocodile vient de mon monde. C’est là qu’il y est né, qu’il a fait souffrir, qu’il a tué. Si je suis ton raisonnement, il n’est donc pas réel lui non plus et tu ne verras alors pas d’inconvénient à ce que j’efface sa présence. »
Si elle voulait jouer sur le tableau du déni, je pouvais être fort aussi sur ce terrain.
La réalité de ses oppositions sorti enfin de sa bouche et je la regardais surpris. Attendris.
« Tu t’inquiètes pour moi ? »
Pour moi mais aussi pour son fils, pour ceux qu’elle aimait.
« Tu as un fils ? »
Bien sûr. J’aurais été stupide de penser qu’elle m’aurait attendu. J’avais eu moi-même d’autres aventures et en vérité, il ne s’était rien passé de charnel entre nous. Nous n’en avions pas eu le temps.
J’avais envie de lui poser mille et une questions. Qui était le père ? Etait-elle mariée ? En couple ? Pourtant ce n’était ni le lieu, ni le moment.
Résistant à mon envie de la prendre dans mes bras, je secouais la tête. Je devais me recentrer sur mon objectif. Je venais à peine d’arriver, je ne pouvais pas baisser les bras déjà. Pour Milah.
Réduisant la distance qui nous séparait, je tendis ma main pour écarter une mèche de ses cheveux de son visage et en profiter pour caresser la courbe de sa joue avec douceur.
« L’Emma que j’avais rencontré n’aurait jamais laissé quelqu’un d’autre la soumettre par la peur. Ce monde changerait-il les gens à ce point ? »
Au point de renier ses valeurs, au point d’accepter l’injustice.
« Si tu as si peur de lui pour toi et ton fil et peut être son père ou ton compagnon actuel, pourquoi ne pas partir ? Pourquoi arborer une étoile de Shérif si c’est pour fouler la justice aux pieds ? Pour le laisser faire ce qu’il veut ? Ce n’est pas toi ! »
Mes derniers mots avaient été lancés sur un ton plus dur. Pour la réveiller. Pour créer un choc qui la tirerait de cette facilité qui ne lui correspondait pas.
Mais peut-être m’étais je trompé sur son compte. Peut-être l’avais-je idéalisée. Elle n’était peut-être qu’une femme comme les autres, sans cette étincelle qu’avait Milah. Sans cette volonté farouche de se battre pour ses valeurs, pour ce qu’elle considérait comme juste. Pourtant je ne pouvais le croire.
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Bien sûr que si, j'avais cru à un rêve. Je ne venais pas du même monde que lui. Pas un monde où la magie était réelle. J'avais pu croire, à un moment, me poser la question, mais j'avais rapidement été rattrapé par la réalité des choses. Qu'importe combien une petite voix au fond de moi n'avait cessé de me dire que je me fourvoyais, la magie n'était pas réelle et ce type n'avait forcément été qu'un rêve. L'oublier avait sans doute été plus simple pour ne plus avoir à lutter avec moi-même pour démêler le vrai du faux. « Quand j'ai promis, je pensais que tu n'étais pas réel... Je sais maintenant. Je sais que ton monde existe et que tu es réel... »
Oui, je m'inquiétais pour lui. Je ne pouvais juste pas le lui crier comme ça, parce qu'encore une fois, je ne comprenais pas moi-même ce bouillon de sentiments que je ressentais en sa présence. Je n'avais aucune envie de mettre des mots sur cette sensation déstabilisante. Je n'avais aucune envie de gérer avec la réalité des choses qu'il m'avait fait ressentir cette nuit-là. J'avais toujours mis ça sur le compte du rêve, du besoin inconscient et j'avais fermé les yeux sur mes sentiments, comme je l'avais toujours fait. Aujourd'hui, il me demandait d'ouvrir les yeux... Comme si j'en étais capable.
Je ne réalisais qu'après coup que je lui avais parlé de Henry avec un naturel déconcertant, alors que j'avais tout fait pour qu'il ignore sa présence dans le château de la Reine des Glaces. Je baissais les yeux, me mordant la joue, alors qu'il continuait. Je ne savais pas vraiment si c'était le fait d'apprendre que j'avais un enfant ou sa colère de voir que je ne l'aiderais pas à tuer Gold, mais il me reprocha de ne pas être l'Emma qu'il avait connu.
« Non, mais qu'est-ce que tu crois ? », m'emportais-je soudainement. « Quelques heures hors du temps, il y a des années ne te permettent pas de juger de qui je suis. Tu restes aussi inconnu pour moi que tu l'étais cette nuit-là et il en va de même pour moi. Ce qu'il s'est passé... C'était juste un rêve. Pour moi c'était comme juste un rêve. Tu étais là dans un moment de faiblesse et tu n'avais rien à voir avec mon monde. Tu n'y as pas plus ta place aujourd'hui. Il y a des règles ici, un ordre à maintenir. Et que ça me plaise où non, c'est moi la garante de cet ordre... »
Je poussais un soupir, avant de continuer. Il m'avait mise hors de moi et je lui en voulais d'avoir ce pouvoir sur moi. Ses mots m'avaient touchée plus profondément que ceux – bien pire – de bien d'autres personnes. « Tu crois que je ne le hais pas ? Je ne t'ai pas attendu pour avoir une aversion pour lui, mais il a toujours de la magie. Il est puissant, même ici et il nous écraserait tous en quelques minutes s'il le voulait. Tu n'as peut-être rien, personne qui t'accroche à la vie et tu as peut-être hâte de mourir, mais pas moi. Je ne laisserais pas mon fils orphelin de nouveau. Si un jour je dois l'affronter, je le ferais avec les bonnes armes et l'assurance que je réussirais à le vaincre. En attendant, je ferais tout pour maintenir l'ordre, faire en sorte qu'il ne fasse aucun mal, comme personne ne tentera de lui faire de mal. »
Le regardant droit dans les yeux, je me dressais clairement devant lui. S'il pensait réellement que j'étais femme à me soumettre, il se trompait lourdement. Personne ne me marcherait sur les pieds et certainement pas lui, alors que je me confrontais depuis des mois à Regina et Gold. « Je ne le veux pas, mais si tu l'affrontes et que tu y survis, c'est toi qui le payera, Crochet. »
Qu’elle ne veuille honorer sa promesse ne m’étonnait que peu. Même si j’aurais tout de même pensé que sa parole valait plus que ça. Peu importait. Je ne voulais pas la mêler à ma vengeance de peur qu’elle ne soit blessée. Néanmoins, je ne me voyais pas abandonner si près du but.
En colère, elle était encore plus belle et rayonnante. Je sentais dans ma poitrine une chaleur, un fourmillement, presqu’une douleur. Je ne comprenais l’effet qu’elle produisait sur moi.
Ainsi selon elle, je n’avais pas ma place dans son monde. Je n’allais pas la contrarier sur ce point. Mais le crocodile non plus n’avait rien à faire ici et je comptais bien faire en sorte de régulariser la situation.
D’un ton acide, je lui répondis entre mes dents serrées.
« Ne t’inquiètes pas, je ne compte pas rester. »
C’était un mensonge. Une fois mon affaire réglée, il lui aurait suffi d’un mot, d’un regard pour que j’accepte de laisser mon navire ainsi que mon équipage sur les sept mers, dans le pays imaginaire. Ce que je n’aurais accepté pour personne d’autre. Mais non. Elle foulait à ses pieds notre avenir possible. Tout espoir d’une liaison entre nous. Alors que mon cœur me criait que nous étions faits l’un pour l’autre. Ne l’entendait-elle pas ?
D’une voix plus douce, elle m’exprima ses craintes. Je suppose que si moi aussi j’avais eu un fils à protéger, j’aurais fait des concessions. Orphelin de nouveau ? Son père devait donc être mort. Tant mieux. Cette pensée cruelle ne me faisait en rien culpabiliser. Je l’enviais. J’aurai voulu être le père de son enfant. Ils avaient dû passer tant de bons moments ensembles. Ils s’étaient sûrement vraiment aimés. Moi je n’avais eu que des amantes de passages, pas de vraie compagne. Pas de personne en qui j’aurai pu mettre ma confiance. Elle aurait pu être celle-ci mais elle choisissait son camp. Celui de ce bâtard qui avait tué Milah et qui m’avait pris ma main.
« Tu crois vraiment qu’il ne fait pas de mal en ce moment ? »
Nous parlions là d’un poison. D’un serpent qui se plaisait à mordre et à tuer. Comment pouvait-elle ne pas le voir ? Etait-elle donc aveugle de son plein gré ? Pour protéger son fils ? Comment pouvait-elle croire qu’il n’hésiterait pas à blesser voire tuer son fils alors qu’il avait abandonné le sien pour obtenir plus de magie. La chair de sa chair. Il me donnait envie de vomir.
Un sourire narquois se peignit sur mes lèvres alors qu’elle me menaçait de me faire payer sa mort si j’y arrivais. « Comme si cela pouvait avoir pour moi la moindre importance. »
J’aurai donné ma vie pour le tuer, pour venger Milah. Alors que pourrait-elle me faire ? Une fois ma vengeance exécutée je pouvais bien mourir. Ne comprenait-elle pas que je n’en avais rien à faire ?
Mon sourire mourut alors que mes paupières se plissèrent pour ne laisser qu’une fine ligne de mépris devant tant d’incompréhension.
« Tu as raison. Je ne te connais pas. Alors qu’attends-tu de moi ? »
Je penchais la tête, la scrutant, les sens en alerte. Tel un loup prêt à se jeter dans le combat. Tous mes muscles étaient tendus alors que ma voix conservait un calme illusoire.
« Que je rebrousse chemin, ou peut-être que je passe le saluer et le féliciter de sa réussite ? »
Et lui enfoncer six pouces d’acier enduits d’encre dans le corps. Ensuite je n’aurais qu’à ressortir ma lame et lui trancher la tête. Je pourrai peut être l’exposer alors dans sa boutique de cochonneries.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Il arrivait à me rendre chèvre. L'homme que j'avais rencontré, il y a des années, dans l'intimité de sa chambre, était définitivement bien différent de l'homme que j'avais aujourd'hui devant moi et si j'avais eu l'intention de lui montrer que l'on ne pourrait pas faire comme si ce moment unique comptait, je savais maintenant que je n'en aurais aucun besoin. Il n'était pas l'homme de mon rêve et je n'étais certainement pas la femme qu'il attendait. J'en étais blessée, bien sûr. J'avais eu raison, comme d'habitude. J'avais assez d'expérience pour le savoir, maintenant. Aucun homme ne pouvait réellement s'intéresser à moi sur le long terme. Aucun homme ne pouvait réellement m'aimer. Ils finissaient tous par partir... Ses mots ne faisaient que le confirmer. Il ne resterait pas une fois sa vengeance accomplie. Je n'aurais jamais plus d'importance que sa vengeance... Pas dans le monde réel, hors de ce rêve qui avait composé notre rencontre.
Je baissais les yeux, une seconde, avant de les relever, le regard froid et aussi inexpressif que possible. Je ne voulais pas lui montrer que cela me touchait. Je ne voulais pas lui montrer que j'étais en colère contre lui... Je ne voulais pas lui montrer que j'étais déçue. Qu'une seconde, j'avais réellement crue qu'il pourrait être différent... Mais non. Personne ne méritait mieux que la femme que j'étais avant qu'Henry ne me trouve. Cette femme qui n'était attachée à personne et qui n'attendait rien de personne. « Si tu tiens tant que ça à mourir, très bien. Va au diable, pirate. » J'avais l'impression de ne montrer que plus mes réels, sentiments, mais tant pis. De toute manière, je ne pourrais pas le faire changer d'avis et pour tout dire, j'en avais assez de lutter en vain contre des méchants qui avaient toujours mis le bazar dans le monde des contes. J'étais seule contre des diables qui n'avaient jamais été attrapé par des armées entières. Que vouliez-vous que j'arrive à faire, moi ?
« Tu es prévenu. Si tu ne réfléchis pas avant d'agir et si tu survis, alors affaire conclue ou pas, je te mettrais en prison. Je tenais juste à t'en informer, avant que tu n'agisses. Histoire que tu ne puisses pas dire que tu ne connaissais pas les règles de ce pays. » J'inspirais un bon coup, avant de reculer de quelques pas, décidée à partir. Je ne voulais pas rester en sa présence. Enfin... Je le voulais, mais lui, visiblement, non. Lui avait définitivement tourné la page et ne s'intéressait plus qu'à sa vengeance. Moi, j'avais une autre vie et d'autres priorités que celles que j'avais à l'époque. D'autres responsabilités, aussi. « Au revoir, Crochet. » Les mots m'écorchaient la bouche, mais je n'avais pas le choix. Je devais reculer et tourner le dos. Je devais arrêter de croire que ça pourrait être différent. Je ne pouvais pas prendre le risque. Pas quand le simple fait de croire en un rêve faisait si mal, au final. La réalité était là, devant mes yeux : il était le Capitaine Crochet et il avait de mauvaises intentions. Killian Jones, l'homme séducteur, ne comptait pas.
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Sam 26 Aoû - 20:20
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