Elle n’avait pu me nier, se réfugier derrière le mirage d’un rêve. Nier quelqu’un c’est l’effacer. Lui refuser le droit d’exister. C’est la pire des choses que l’on puisse faire. Ignorer une personne c’est comme lui ôter toute légitimité de vivre.
Maintenant son regard froid et ses paroles assassines me faisaient le même effet qu’un coup de poignard en plein cœur. Malgré tout à travers ma souffrance je percevais la sienne. Et je ne voulais pas ça.
Lorsqu’elle se détourna et mis fin ainsi à la conversation, je me précipitais et lui attrapant le poignet, je la retournais brusquement vers moi. Nos corps se heurtant, nos visages face l’un à l’autre.
« Attends. »
Je sentais son souffle sur ma peau. Je me noyais dans ses yeux. Mon cœur battait la chamade au point d’en être douloureux, comme enserré dans un vêtement trop petit.
« Attends. Je ne veux pas ça. »
Ca : la faire souffrir, la faire me maudire, la rendre malheureuse.
« Tu ne peux savoir combien tu m’as manqué. J’ai pensé à toi tant de fois. Tu n’as pas quitté mes pensées. »
Mais ce qu’elle me demandait était trop difficile. Je ne pouvais le laisser s’en tirer à si bon compte. Il avait tué Milah !
Mes lèvres à quelques millimètres des siennes, je sentais son odeur, son souffle et en moins le besoin irrépressibles de les embrasser contre lequel je luttais de toutes mes forces.
« S’il avait tué ton fils que ferais-tu ? »
En usant de l’image de son fils, je ne voulais pas lui faire imaginer le pire mais juste qu’elle puisse me comprendre Je voulais qu’elle comprenne ce que je ressentais, la justesse de ma mission.
« Et si en ne le tuant pas moi, c’était lui qui tuait ensuite ton fils. Meurtrier un jour, meurtrier toujours. Il ballait de la main tout ce qui peut le contrarier. Devras-tu le laisser faire et le laisser continuer à agir librement ? »
Tous nos actes ont des conséquences et ne rien faire là maintenant pouvait effectivement induire à une catastrophe ultérieure. Etre dépendant de ses sautes d’humeurs, de ses colères, de ses frustrations c’était comme de jouer avec une grenade dégoupillée et la prière ne pourrait rien y faire. Je déposais un baiser délicat sur ses lèvres. Une seconde de bonheur. D'oubli. Puis je me reculais juste assez pour pouvoir de nouveau lui dire avec douceur. « Je suis désolé de t’avoir demandé d’honorer ta promesse. Je ne voudrais rien faire qui puisse te blesser ou te mettre mal avec qui que ce soit. »
Dans mon regard elle pouvait y lire la sincérité la plus pure. Celle que jamais ne pourrait lui offrir le crocodile.
« Que voudrais-tu que je fasse ? »
J’étais prêt à l’écouter même si pour le moment je ne me sentais pas suffisamment fort pour accepter de faire une croix sur cette vengeance que je poursuivais depuis des décennies. Je pouvais changer mais pas de façon si importante. Comment renier mon serment ? Comment oublier ce qu’il avait fait ?
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
J'étais furieuse contre lui. Il avait représenté, à un moment de ma vie, ce qui était le plus stable. Pour une nuit, un court instant, il avait été une bouée de sauvetage en pleine tempête, une ancre. Il avait été la seule chose à la fois totalement irréelle et absolument désirable dans ma vie... Et aujourd'hui, je voulais juste me tenir aussi éloigné de lui que possible. Il n'avait pas été un rêve, mais en cet instant, j'aurais aimé qu'il le soit. J'aurais aimé qu'il soit aussi parfait que le souvenir que j'avais de ce pirate qui m'avait fait croire, l'espace d'un instant, que je pouvais être la chose la plus importante au monde.
Il me retint avant que je ne parte, m'attirant si vite à lui que je n'eus pas le temps de me retenir avant de le heurter, son corps chaud soudainement trop réel contre moi. Mon cœur se mit à battre la chamade quand il avoua que je lui avais manqué et qu'il avait pensé à moi souvent... Beaucoup trop souvent. Et malgré tout le plaisir d'être à nouveau si proche, son souffle sur le mien, l'envie de l'embrasser si forte, il gâchait tout, lui l'obstiné dans sa vengeance. Je ne voulais pas imaginer ce qu'il me demandait d'imaginer. Je ne voulais pas avoir à réfléchir au pire du pire. Je savais. Je savais que Gold avait la main mise sur nous. Je savais qu'il pouvait tuer Henry à tout moment. Qu'à bien des égards, il aurait plus d'un plaisir à la faire, pour me blesser ou blesser Regina, mais je n'avais d'autre choix que de compter sur le fait que ne pas tuer Henry servait encore plus ses intérêts que l'inverse, pour l'heure tout du moins.
« Ne fais pas ça... », soufflais-je, fermant les yeux. Il ne pouvait pas utiliser Henry contre moi. Il ne pouvait pas utiliser Henry pour servir sa cause. Il ne pouvait pas pervertir ainsi mes instincts maternels. C'était injuste. Et son baiser, bien que délicat et désiré, ne pouvait pas ôter l'horreur des mots qu'il prononçait, la douleur de ne pas savoir que répondre pour le détourner de son obsession.
Alors qu'il me demandait ce que je voulais qu'il fasse, je posais une main sur sa joue, collant mon front contre le sien, yeux clos, désir perturbé. J'aurais voulu partir, abandonner... non... fuir la possibilité de lui donner une chance qu'il pourrait alors détruire en un claquement de doigt, mais une part de moi voulait tellement rester... Depuis Henry, fuir n'avait plus le même attrait. Fuir avait perdu toute sa facilité. Je ne pouvais pas fuir un homme qui aurait décidé de rester en ville et je ne pouvais pas fuir la ville où je voulais être, pour Henry... « Ne dis plus que je compte pour toi, si ta vengeance importe plus... Je ne peux pas prendre le risque avec toi... » Voilà tout ce que je pouvais demander. Voilà la seule chose que je pouvais prendre le risque d'exiger de lui... Parce que tout le reste... Tout le reste était beaucoup trop effrayant ou irréel.
Ne pas utiliser son fils ? Il le fallait pour qu’elle puisse me comprendre. Au fond d’elle, elle savait que j’avais raison. La peur enserrait son cœur, ses pensées. Beaucoup préfèrent rester dans leur zone de confort, même si elle fait mal, même si elle douloureuse, plutôt que d’affronter un futur possible meilleur. Je n’étais pas de ceux-là. Je ne pensais pas qu’elle l’était non plus. Me serais-je trompé ?
Je ne voulais pas qu’elle s’en aille. Je ne voulais pas la perdre de nouveau.
« Emma. »
Ma gorge était serrée. Je déglutis, sentant ma pomme d’Adam remonter douloureusement. « Je ne te demande pas de prendre de risque ni pour moi, ni avec moi. Mais tu comptes pour moi. Tu le sais. Je le sais. »
J’avais dans mon cœur cet étau douloureux d’avoir d’impression de renier Milah. Son existence. Ma promesse. J’étais déchiré et la souffrance se lisait dans mon regard.
« Que souhaites-tu ? Que je reparte ? Que je sorte de ta vie ? »
Que je perde sur tous les tableaux en reniant mes valeurs, ma vengeance, mon amour perdu, mes croyances ? Et pour quoi ? Juste pour qu’elle continue à cultiver ses chimères ? Car le ténébreux continuerait d’agir et de tout faire pour presser comme des citrons ceux qui l’entouraient, pour les exploiter, pour se jouer d'eux, pour les détruire, juste pour s’amuser.
Comment pouvait-elle exiger cela de moi ? Devais-je tirer un trait sur cette nuit ? Sur ce que nous avions vécus ?
« N’ai-je aucune importance pour toi ? »
Je ne pouvais le croire. Après tout, peut-être m’étais je trompé sur son compte. On dit que les rêves sont bien plus beaux que la réalité. La réalité c’était Anne, c’était Ariel. Et elle ? Le fantôme d’une nuit ? Qui m’avait pourtant marqué si profondément. Alors que nous n’avions rien fait. « Il m’avait semblé qu’un lien s’était créé entre nous. »
Un mirage ? Rien de plus ?
Maintenant bien sûr elle avait un fils. Alors je ne comptais plus. Je n’avais même pas la force de le détester. J’étais désabusé. Anéanti. Je savais que l’étape suivante serait la colère puis la haine. Peut-être était-ce ce qu’elle cherchait. Peut-être était-ce ce que le destin nous réservait.
Cela serait bien plus facile. Oublier mes sentiments pour elle pour ensuite avancer. Ne plus me soucier de ce qui pourrait lui arriver, à elle à son fils et remettre toutes mes forces dans ma vengeance. Jusqu’à son échéance. Quelle qu’elle soit.
Peut-on si facilement effacer le passé ? Pour ne plus souffrir. Pour ne pas se renier. Devais-je effacer cette nuit et faire comme si elle n’avait jamais existée ?
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Je savais que je le décevais. Je le voyais dans ses yeux. Mais je me disais qu'il ne pouvait juste pas comprendre. Il avait sa vengeance, sa raison de vivre. J'avais les miennes. Et elles n'incluaient pas ma propre mort. Les choses avaient été claires dès le début. Il avait clairement dit qu'il donnerait tout, y compris sa vie, pour respecter sa promesse de venger sa compagne. J'avais une famille, un fils. Je ne pouvais pas mourir. Je ne pouvais pas prendre ce risque, tant que j'avais d'autres recours en ma possession.
Pourtant, mon cœur se brisa, encore et encore, à chacun de ses mots. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre et je ne pouvais rien dire. Pourtant, quand les mots, douloureux, arrivèrent jusqu'à mes oreilles, je me hérissais. « Tu es totalement stupide », soufflais-je, me jetant presque dans ses bras, posant mon front contre son torse, une main sur son bras, l'autre autour de sa taille. Je fermais les yeux, ignorant la stupidité de tout cela. La folie de cette histoire sans étiquette. « Comment peux-tu croire que tu n'as aucune importance... Comment peux-tu croire que je renie ce qu'il s'est passé ? »
Yeux clos, j'inspirais son odeur, retrouvant la familiarité d'une chaleur qui m'avait bercé, même encore des mois après ce rêve si réel. « Tout cela est fou... Tellement fou... » Je rouvris les yeux, reculant ma tête pour pouvoir le regarder. Il était si semblable à mes souvenirs... J'avais toujours eu une bonne mémoire, mais ses traits, la saveur de sa bouche, la douceur de sa peau... Tout cela avait été gravé en moi. Profondément enterré avec les années, par nécessité, parce que la réalité m'avait rattrapé, mais chaque chose de lui que j'avais si soigneusement gardé, sans même m'en rendre compte, réapparaissait soudainement. Si fort. Si nécessaire... Et j'en étais terrifiée.
J'avais l'impression d'être revenue des années plus tôt. Cette femme seule et sans attaches, triste et faible, qui était apparu comme par magie sur le navire d'un homme tout aussi seul, triste et sans attaches. Une femme qui avait cruellement besoin de quelqu'un sur qui elle pouvait compter et qui se retrouvait face à cet homme prêt à lui décrocher la lune, même juste pour une nuit. Et encore une fois, comme cette nuit-là, je me retrouvais là, dans ses bras, perdue, désireuse, défaite... Notre nuit avait été écourtée il y a si longtemps, la magie évanouie aussi rapidement qu'elle était apparue, ne laissant que frustrations et interrogations et aujourd'hui, tout était de nouveau là. La frustration, les questions et la réalité de nos vies en plus. Ce n'était plus une parenthèse. Ce n'était plus lui et moi par une sombre nuit. Ce n'était plus secret inavouable et inavoué. « Tu sais que je ne t'ai jamais oublié », murmurais-je, comme si j'avais peur que parler trop fort brise à nouveau le rêve et qu'il s'évanouisse, loin de mes bras. « Mais les choses ont changé... Crochet. J'ai changé... Je ne suis plus cette fille de Boston... Si tu le tues... C'est moi qui en payerait le prix... »
Le dilemme me semblait impossible. S'il tuait le Ténébreux, il le deviendrait et je devrais lutter contre lui alors. S'il tentait de le tuer, sans y parvenir, alors il mourrait et je le perdrais avant même d'avoir pu le trouver. S'il partait... j'avais le sentiment que je serais perdante aussi. En vérité, j'étais perdante sur toute la ligne. Quel que soit son choix. Quoi qu'il décide, je perdais.
Stupide ? Mon regard s’était durci une fraction de seconde. J’étais prêt à tourner les talons. A repartir d’où je venais. Ok j’abandonnerai ma vengeance, mais je l’oublierai elle aussi. Définitivement. Et puis j’avais senti son contact, son odeur, sa présence. Mes bras s’étaient écartés et je m’étais retrouvé un instant figé. Oui, pour le coup je me sentais stupide. Ses mots effaçaient pour le coup tous mes doutes. Son comportement, ses précédentes paroles.
Je la serrais dans mes bras.
« Tu disais que pour toi je n’étais juste qu’un rêve. »
Doucement, je caressais cette tête blottie contre mon torse.
« C’est fou mais c’est vrai. C’est la réalité. Je suis là. »
Saisissant l’une de ses mains, je portais ses doigts à mes lèvres pour les embrasser. Je l’avais enfin retrouvée. Telle que je me l’étais imaginé. J’avais rêvé de nos retrouvailles. Couché sur mon lit dans ma cabine, je m’étais imaginé maintes et maintes fois ce moment. En bien plus beau bien sûr, pas dans ces conditions. J’avais envisagé de la retrouver après la mort du crocodile mais tant pis. Elle était là et c’était tout ce qui comptait.
L’aveu de son secret me transperça et si l’instant d’avant mon cœur était enserré dans l’étau de la souffrance et du désespoir, là, elle lui redonnait vie et chaleur par ses simples mots.
« Moi non plus je ne t’ai jamais oublié. »
Dans mon regard se lisait la vérité pure et sans fard. Mes lèvres trouvèrent ses lèvres. Puis mes sourcils se froncèrent alors que je me reculais légèrement.
« Pourquoi en paierais-tu le prix ? »
Je ne comprenais pas. Pour moi cela avait toujours été très simple. Si je tuais le crocodile, je le vengeais Milah, et tout était fini non ? C'était mon but. Mon objectif. La direction qui s'était imposée à ma vie.
« Il est un mal qui ronge insidieusement tout ce qu’il approche. Un fléau qui ratatine et détruit les plus belles âmes. Débarrasser les mondes de son existence ne pourrait être que bénéfique. »
Quelques paroles que Cora m’avait dites en me proposant le pacte qui m’avait permis d’échapper à la malédiction de sa fille me revinrent en mémoire. « Si tu as peur que je ne devienne le ténébreux et que je change détrompes toi. Le fait qu’ici il n’y ait pas de magie devrait empêcher la transmission de cette malédiction non ? »
Je ne voulais pas encore lui parler de l’encre. De toute façon, elle ne me serait probablement pas utile s’il n’y avait pas de magie et au cas où elle serait plus forte que le pouvoir de cette foutue dague non ? Il le fallait. J’avais fondé tous mes espoirs sur ça.
« Storybrooke est dénué de magie n'est ce pas ? »
Les informations en ma possession seraient-elle fausse ? Et dans ce cas jusqu’à quel point ? Plongé dans son regard, je craignais sa réponse.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
J'avais oublié et en même temps, je m'étais toujours souvenue du bien fou de ses bras. Il m'avait pris contre lui et assurer que le monde avait un sens, il y a des années de cela. Il m'avait fait croire que, pour une fois, je pouvais avoir quelque-chose. Je pouvais compter pour quelqu'un et en une seconde, je retrouvais cette sensation de plénitude que je n'avais plus éprouvé depuis... Et bien depuis Neal, quand je croyais encore qu'il m'aimait et que je pourrais être son monde, comme il était le mien.
Il parla et je l'écoutais juste, le son de sa voix m'ayant manqué comme aucune autre, sa présence et ses bras autour de moi, le goût de ses lèvres, me faisant oublier tout le reste, jusqu'à la fatidique question... Je secouais lentement la tête, se mordant la lèvre. « Je suis désolée... », soufflais-je, m'étonnant presque de me sentir si sincère alors que je m'excusais d'avoir ruiné tous ses plans pour tuer quelqu'un. « Lorsque j'ai brisé la malédiction et rendu tous leurs souvenirs aux habitants, la magie s'est insinuée dans ce monde. Assez de magie pour que le Ténébreux retrouve la puissance nécessaire pour être immortelle... » En vérité, la magie avait sans doute toujours été présente. En faible quantité, mais belle et bien présente. J'avais, plusieurs fois, par le passé, pu assister à des choses étranges. Des choses que j'avais rationalisées ou oublié, pour le bien de ma santé mentale, mais maintenant... Je savais que j'avais de la magie. Regina m'entraînait à l'utiliser, j'étais capable de produire du feu. Je savais que j'avais toujours eu de la magie en moi. Que j'avais fait exploser quelques ampoules, au court de ma vie. Je doutais désormais que ce ne soit que le fais de surtension. Cela était arrivé trop pile au bon moment, quand ma colère en était à son point culminant...
« Il te tuera... » Je plongeais dans ses yeux, essayant de lui faire comprendre à quel point j'étais sincèrement inquiète. « Si tu l'approches, il te tuera... Il n'aura aucun scrupule à le faire... Regina et moi sommes sur la corde raide en permanence et il a besoin de nous en vie, alors toi... Réfléchis avant d'agir... » N'agis pas... Reste avec moi... J'avais tellement envie de le convaincre, mais certains mots restaient obstinément bloqués dans ma gorge. Trop de choses à dire, trop de craintes associées. J'avais peur de dire la mauvaise chose, celle qui le ferait courir au suicide ou à la fuite et peur de lui dire des choses qui impliqueraient plus que ce que je ne pouvais donner. Il y avait eu quelque-chose entre nous. Quelque-chose de fort, intangible et significatif. Il n'avait pas été qu'un rêve et il n'avait pas laissé aucune trace dans mon esprit. Sauf qu'il avait été quelque-chose de secret, n'appartenant qu'à moi, que personne ne pouvait me prendre. Aujourd'hui, il se montrait, plus réel et palpable que jamais. Il n'était plus uniquement à moi... Réel impliquait des mots que je ne voulais pas placer.
Ainsi la magie était de nouveau présente ici. L’encre me serait donc bien utile. En moi se disputait la joie de pouvoir accéder enfin à ma vengeance et la crainte de ne pouvoir l’approcher suffisamment. Je trouverai un moyen.
« Le fait d’avoir brisé la malédiction vous a tous rendu la mémoire ? Je veux dire, lorsqu’il me verra, il saura qui je suis ? »
Je voulais voir dans ses yeux la peur, la rage de me voir encore vivant et toujours prêt au combat. Non, je n’abandonnais pas mon but. Je ne pouvais le faire pour Milah.
Je l’embrassais pour la rassurer. Elle avait peur que je meure. Je le lisais dans son regard et caressais doucement sa joue pour lui prouver que pour le moment j’étais là, bien vivant. « Personne n’est immortel. Chaque ténébreux croyait l’être avant qu’un autre ne prenne sa place. »
Il en était ainsi. Il fallait arrêter de les mettre sur des piédestaux. Et si j’usais de l’encre, la dague n’aurait plus de magie et donc ne pourrait transmettre son pouvoir. Il n’y aurait plus de ténébreux. La lignée finirait avec le crocodile. Plus de malédiction. Plus de terreur. Je la serrais contre moi quelques instants pour sentir son odeur, sa présence. J’enfouis mon visage dans son cou, fermant les yeux pour savourer l’instant. Je restais silencieux, profitant de ce bref répit, ne sachant s’il allait durer. Puis à regret, craignant ce qu’elle allait me dire, je murmurai à son oreille doucement.
« Et si je te disais que j’ai un moyen d’arrêter tout ça. »
Je voulais qu’elle me fasse confiance, mais c’était beaucoup lui demander. Il n’y avait pas que sa liberté ou sa vie en jeu, il y avait aussi celle de son fils. En aurais-je eu un, je pense que j’aurai tout sacrifié pour lui. Même elle. Ou pas. Je ne pouvais en être sûr, n’ayant jamais été dans ce genre de situation. Je repensais à la douleur d’Anne quand elle me parlait de la perte de son fils. Je ne voulais pour rien au monde qu’elle ressente la même chose.
Me reculant je plongeais dans son regard. Je l’embrassais, puis repris la parole, mes bras noués dans son dos.
« Très bien. Je ne vais pas foncer tête baissée. Je vais jouer les amnésiques, ne sachant pourquoi je me suis retrouvé ici, connaissant juste mon nom. Il faut juste que je prévienne quelqu’un. »
Bien sûr je pensais à Ariel, puisque c’était elle qui m’avait amenée ici. J’espérai qu’elle pourrait tenir le secret. Dans le cas contraire, j’aviserai. « Ainsi je pourrai rester à tes côtés et observer la situation. Pour tous, je ne saurai comment je suis arrivée là, je connaitrais juste mon nom et mon surnom car c’est toi qui me l’aura dit. Je verrai ainsi ce qu’est devenu le crocodile et je serai plus malin que lui. Cela te convient-il ? »
J’espérais qu’elle accepterait ma proposition. Je n’avais pas mieux à lui offrir, les deux autres options étant de foncer et tenter de tuer ce bâtard contre sa volonté ou de lui tourner le dos et de retourner dans mon monde pour ne plus jamais revenir.
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Je hochais la tête à sa question. Oui. Oui, Gold savait. D'une certaine manière, je me demandais même s'il ne l'avait pas toujours su. Il avait eu une place particulière dans la malédiction de Regina, une place de choix. Il avait toujours eu l'air d'avoir deux tours d'avance sur tout le monde et avait joué un rôle majeur dans la réalisation de ma réussite. Je n'avais jamais vraiment posé la question, mais je n'étais pas certaine qu'il n'ait pas toujours – plus ou moins – eu conscience de ce qu'il se passait dans cette ville et de mon rôle. « Tout le monde sait exactement qui il est. »
Il assurait avoir un moyen de mettre fin à la suprématie du Ténébreux, mais moi, tout ce que je voyais, c'était un homme fou de rage, déterminé à croire qu'il avait toujours la main sur la situation. Je m'accrochais à son cou, alors qu'il m'embrassait encore, gardant mes doigts contre sa nuque, alors qu'il proposait son plan. Tout, pourvu qu'il ne fonce pas tête baisser dans quelque-chose de stupide. « Tant que tu ne fais rien d'idiot... », dis-je la voix basse, l'air trop suppliant à mon propre goût. « Tant que tu veilles à d'abord rester en vie... » Tout m'allait. Je pouvais toujours le convaincre, si j'avais du temps. J'avais besoin de temps. J'avais besoin qu'il agisse pour rester en vie, avant d'agir pour se venger. Qu'il reste près de moi m'allait, même si je savais que cela ne plairait pas à d'autres... Comme mes parents.
J'aurais voulu lui dire qu'on ne pouvait pas avoir ce qu'on avait eu par le passé. Je voulais lui dire que je ne pouvais pas prendre le risque d'entamer quelque-chose avec lui. Que je ne voulais pas lui donner le sentiment qu'il pourrait se passer quelque-chose, alors que j'étais la fille aux sentiments les plus chaotiques qui soient... Mais je n'y arrivais pas... J'avais trop peur que le repousser le pousse à jouer les fous, quand je ne voulais pas prendre le risque de devoir ramasser son corps dans un ravin.
« Promets-le moi », soufflais-je, comme un dernier recours. « Promets-moi de ne rien faire sans m'en parler avant... D'accord ? » Peut-être que je ne pourrais rien faire, au final. Peut-être qu'il finira par se faire tuer. Mais j'avais envie d'y croire. J'avais réellement envie de croire que je pouvais le sauver de toute cette folie. J'avais juste besoin d'un peu de temps. Si je ne devais réussir qu'une chose dans cette ville, après tous les échecs que j'avais accumulés, je pouvais bien réussir ça et le garder en vie, non ? J'avais juste besoin de temps, pour ça...
La sentir contre moi c’était comme revivre. Je n’avais pas pris conscience du vide qu’elle avait laissé dans ma vie jusqu’à cet instant. Ayant probablement refoulé cette soirée afin de ne pas souffrir, afin de ne pas m’attacher alors qu’en vérité c’était déjà fait, afin de pouvoir continuer à vivre. J’avais tout comme elle décidé de croire qu’il ne s’agissait que d’une illusion, d’un rêve. A chaque fois que je repensais à ces instants mon cœur se serrant à son absence.
La relation que j’avais avec Anne était totalement différente, même si nous avions eu des relations intimes, elle était comme une partie de moi, une sœur jumelle. La seule à qui je pouvais tout dire sans crainte qu’elle ne me tourne le dos. Qu’elle ne me juge. Nous nous comprenions souvent sans même avoir à parler. Tout contre Emma, je pensais à elle et m’interrogeais sur les relations qu’elles tisseraient ensembles. J’espérai de tout cœur qu’elles s’entendraient bien.
Avec un soupir et une grimace, je ne pu faire qu’une demi promesse à celle qui se dressait désormais bien charnellement entre mes bras.
« Je te promets d’essayer de ne rien faire d’idiot et de t’en parler avant. »
Comment aurais-je pu promettre plus. Si la situation se prêtait, je ne pourrais bien évidemment pas demander au Crocodile de faire une pause le temps d’appeler le Sheriff histoire d’avoir son aval. En plein combat, je doute qu’il accepterait de me laisser le temps d’avoir son accord pour le tuer.
Embrassant le bout de son nez avec tendresse, je lui souris, malicieusement. « Mais je ne t’inquiètes pas, tu seras là pour veiller sur moi. »
Déposant un baiser sur ses lèvres, je conclus ainsi l’engagement. Je ne voulais pas qu’elle m’en demande plus.
Mon regard plongé dans le sien, je savourais ces retrouvailles.
J’avais pensé venir, tuer le crocodile et ensuite la chercher et la retrouver. En fait, tout c’était passé à l’envers. C’était elle qui m’avait retrouvé, et maintenant je devais patienter pour assouvir ma vengeance. Je ne tirais néanmoins pas un trait sur elle.
Je l’embrassais encore puis lançais avec un clin d’œil.
« Je suppose que la monnaie de ton monde n’est pas celle du mien. Y’a-t-il un prêteur sur gage, quelqu’un qui pourrait m’acheter des bijoux ou de l’or pour me permettre de trouver une auberge afin de me loger et de me nourrir ? »
Je ne voulais pas m’imposer chez elle, bien que je n’aurais pas refusé l’invitation. Mais elle devait habiter avec son fils. Ce qui induisit ma question suivante.
« Comment me présenteras-tu à ton fils ? Quel âge a-t-il ? Quel est son prénom ? »
J’avais envie d’en savoir plus sur elle.
« J’ai tellement de question à te poser. Peut-être pourrions-nous avancer vers la ville tout en discutant. »
La température était fraîche et je n’avais pas pris grand-chose en vêtement. Mes bottes, mon pantalon de cuir, une chemise noire dont j’avais fermé les lacets pour me protéger du froid, mon grand manteau de cuir et une cape à capuche pour me protéger de la pluie.
Alors que nous n'avions pas quitté la forêt, je ressentis soudainement un picotement au niveau de mon annulaire, là où se trouvait la bague en aigue-marine, jumelle de celle que j'avais offert à Anne.
« Attends ! »
Je m'étais figé. Les yeux fermés je me concentrais alors pour entrer en contact mental avec Anne. Elle était en danger. Mon visage perdit toute couleur alors que mon poing se serrait. Lorsque je rouvris mes paupières, mon regard était sombre et déterminé.
« Je dois partir. Je reviendrai je te le promet mais ma soeur de coeur a besoin de moi. »
D'un baiser sur ses lèvres, j'empêchais toute question et tournant les talons je me mis à courir, revenant sur mes pas, sortant dans ma course le coquillage pour appeler Ariel. Je ne pensais pas la revoir de si tôt mais il allait falloir faire en sorte qu'elle me ramène dans le monde des contes pour que je récupère le Jolly Roger et que j'aille aider Anne.
"Car (ils) étaient unis par un fil [...] qui ne pouvait exister qu'entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre." - Paolo Giordano ▬ Killian & Emma
Je ne comprenais pas pourquoi cela me faisait tant de bien d'être dans ses bras. Je savais juste que cela faisait un bien fou. Et si cela me terrifiait chaque fois qu'il me lâchait, parce que je savais qu'il pouvait m'abandonner à tout moment, quand j'étais dans ses bras, chaque fois, je me sentais bien, en sécurité et plus importante que jamais. Sa chaleur, la douceur de son regard et la tendresse de ses gestes... J'aurais pu rester une vie entière à l'écouter m'assurer qu'il ne quitterait pas mon côté... Une chose que je ne pouvais pas me permettre d'espérer. Personne n'avait jamais tenue cette promesse auparavant et hormis mon désir de croire qu'il pouvait être différent, rien ne me prouvait qu'il ne finirait pas, lui aussi, par me tourner le dos. Pire, il aurait – à ses yeux – les meilleures raisons du monde de le faire : accomplir sa vengeance. Cette vengeance qui valait plus que tout. Plus qu'une pauvre idiote, inconnue, avec qui il avait failli avoir des relations sexuelles des années plus tôt, dans une nuit semblable à un rêve.
Il promit au moins de m'en parler avant de faire quelque-chose d'idiot, mais je notais, malgré tout, qu'il ne faisait qu'une demi-promesse. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Je ne pouvais que l'en remercier. Je savais, tout comme lui, qu'il ne pourrait pas tenir entièrement sa parole s'il avait juré ne jamais rien faire de stupide. Je pouvais au moins penser qu'il avait à cœur de tenir sa parole et ne m'avait promis que ce qu'il était certain de pouvoir me promettre. Et au moins, il m'en parlerait, s'il décidait de ne pas respecter ma demande et de tenter de se venger malgré tout. J'aurais une autre chance de l'en dissuader... ou de l'arrêter... alors, le moment venu.
Je lui souris en retour quand il assura n'avoir nulle inquiétude sur ma propre présence pour veiller sur lui et je prolongeais doucement le baiser, posant une main sur sa joue. Je me crispais néanmoins quand il demanda s'il n'y avait pas quelqu'un pour racheter son or et ses bijoux. Il y avait bien un prêteur sur gage, oui, mais il s'agissait de Gold. Le Crocodile qu'il devait à tout prix éviter pour éviter de faire quelque-chose de stupide. Je secouais donc la tête par la négative, doucement. « Les choses ne sont pas si calmes que cela, ici, depuis quelques temps. Beaucoup de gens viennent de ton monde. Tous n'ont pas la possibilité... d'aller voir le prêteur sur gage de notre ville... » Je soupirais. Cela n'attirerait que plus sa curiosité. « C'est Rumpelstilskin qui a ce rôle dans cette ville... Tu n'es pas le seul avec qui une affaire se solderait par un meurtre. Il y a donc un accord tacite. S'ils ne l'approchent pas, Rumpelstilskin ne les tue pas. Granny accepte de se faire payer en monnaie de la forêt enchantée ou en bijoux et c'est elle qui traite avec Gold ensuite. Nous devrions aller voir si elle a une chambre à te proposer... »
Je n'avais pas envie de rester sur cette conversation, pas envie qu'il décide de balayer sa promesse d'une main et aille l'affronter immédiatement. Je l'attrapais donc par la main en hochant la tête et l'entraînait vers la ville. « Henry a 11 ans. Il est né avant qu'on ne se rencontre. Je l'ai eu... très jeune. Trop jeune. J'étais incapable de m'en occuper, alors je l'ai confié à l'adoption. L'ironie du sort, c'est qu'il a été adopté par celle qui m'a séparé de mes parents quand j'étais moi-même un bébé et que grâce à lui, nous vivons maintenant dans une sorte de paix relative... » Je n'avais pas répondu à sa première question, ne sachant tout bonnement que répondre. Comment allais-je le présenter ? Il allait déjà falloir que je trouve une explication pour mes roi et reine de parents qui n'allaient pas apprécier que je sois si proche d'un pirate... Alors, mon fils...
Et puis, pour définir, il fallait savoir soit même quoi définir. Sauf qu'à l'heure d'aujourd'hui, je n'avais rien pour qualifier Crochet. Mes doigts emmêlés aux siens trahissait qu'il n'y avait pas rien, mais il n'était pas mon petit-ami, pas même mon amant, et certainement pas un ami. Qu'est-ce qu'on pouvait dire ? S'il y avait un « nous », que pouvions nous mettre derrière ?
Je fus brutalement coupé dans mes réflexions alors qu'il lâchait ma main, assurant soudainement que sa sœur de cœur avait besoin de lui. Il promit de revenir, posa un baiser sur mes lèvres, mais me laissa, finalement, seule, sans réponses à la multitude de questions que j'avais et surtout, la désagréable impression d'avoir, une fois de plus, rêvé un moment suspendu dans le temps. Il s'était si vite évanoui, comme une illusion de plus. Promesse en l'air et tendresse fugace à un moment où je n'en avais que trop besoin. Etait-il seulement réel ou un éternel fantôme, destiné à me tourmenter toujours plus dans les affres de ma solitude ?
Dépitée et plus inquiétée que jamais d'une situation que je ne maîtrisais en rien, je retournais seule à Storybrooke. J'avais tant à faire, de toute manière, que je trouverais bien comment m'occuper, en attendant de voir si le fantôme de mes désirs étaient vraiment réels – et prêt à tenir sa promesse – ou si ce n'était, qu'une fois de plus, un rêve sans conséquences à venir...